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Estime-de-soi, La communication, Le travail

Recevoir une critique sans être démoli

Marc Vachon, m.ps.

Il n’y a pas que les artistes qui n’aiment pas recevoir une critique. Tous, nos redoutons le jugement des autres quels qu’ils soient : patron, conjoint, enfant, parent, ami. Et c’est bien naturel: qu’est-ce qui menace le plus l’estime de soi que la critique, celle qui vient d’une autre personne comme celle que nous nous faisons à nous-mêmes.

Le jugement, en plus d’être un obstacle majeur à la communication, est une blessure d’amour-propre difficile à accepter ou à pardonner. Il fait donc développer des moyens pour protéger ce sentiment de sa propre valeur.

On dit que pour bien recevoir une critique, il faut en considérer les aspects positifs. Pourtant, l’idée même du jugement exclut la dimension constructive d’un tel verdict. En d’autres termes, comment un jugement de valeur peut-il être positif? Une critique comporte un reproche, une censure, un discrédit, ou tout au moins une désapprobation. Quant à celui qui critique, ne le fait-il que pour notre bien? N’est-il pas influencé par ses propres besoins, par ses souhaits subjectifs?

Pour recevoir une critique sans être démoli, il faut d’abord l’évaluer, puis y réagir, c’est-à-dire s’en servir comme d’un outil de développement ou, tout simplement, si c’est adéquat, la refuser carrément. Voici trois moyens à mettre en pratique, quand on a su résister à ces deux tentations.

Recevoir une critique: résister à 2 tentations

Il est très rare que, spontanément, nous sachions recevoir une critique personnelle, encore moins que nous la considérions comme une occasion d’apprendre quelque chose et sans que cela ne touche notre estime de nous-même. Il est aussi difficile de recevoir une critique que d’être un bon perdant. Personne n’aime vraiment perdre ni être évalué par autrui. Si, apparemment, le perdant fait bonne figure, si la personne critiquée sauve la face, il n’en va toutefois pas toujours ainsi intérieurement. La frustration peut être intense, de même que le désir de prendre sa revanche ou de contre-attaquer (première tentation).

Mais il y a pire: acheter la critique, s’y soumettre, c’est devenir son propre bourreau (deuxième tentation). Courber l’échine, se sentir coupable, misérable, bref se taper soi-même sur la tête est le pire des châtiments, car on ne peut échapper à soi-même. Voici un exemple :

-Tu ne penses jamais aux autres. Il n’y a que ta personne qui compte, tu n’apportes rien à l’équipe. 

-C’est vrai, je fais tout de travers. Pourquoi faut-il que je sois aussi négligeant. Je suis en train de rendre tout le monde malheureux .

Notez bien que la réponse à la critique peut-être dite ouvertement à la personne qui critique, mais bien souvent elle est gardée à l’intérieur et répétée mentalement, surtout si la personne qui critique est en position d’autorité. Dans les deux cas, elle a le même effet désastreux sur l’estime de soi.

Ce n’est pas nécessairement parce que quelqu’un vous critique ou vous reprend qu’il a raison. Pourtant, certains vont recevoir une critique en y adhérant tout à fait et ne remettront jamais en question l’opinion de l’autre. Parfois, ils vont jusqu’à se laisser envahir entièrement par un sentiment de non-valeur, se sentant blessés et abattus profondément. C’est de la généralisation (voir Perception du changement:  3 filtres à connaître). Ils n’ont même plus l’énergie suffisante pour remettre en question la remarque de l’autre, ni pour s’en servir pour corriger une attitude ou un comportement.

Le sentiment de tristesse ou d’angoisse domine. À la longue, il peut y avoir un comportement d’isolement, de passivité, de dépression. Les critiques agissent comme des freins. L’estime de soi baisse et aussi l’enthousiasme pour accomplir son travail, ce qui risque d’entraîner d’autres reproches et d’accentuer les malaises. La critique est peut-être fondée, mais est-elle précise, claire? Comment l’examiner, accepter ce qui peut nous rendre service et surtout ne pas l’étendre à tout ce que nous sommes?

L’agressivité et la contre-attaque ne sont pas non plus une solution adéquate. La tentation peut être grande de tout rejeter en bloc, en blâmant l’autre, en l’accusant méchamment et en le blessant sur ses propres faiblesses ou, si ça n’est pas fait directement, en le critiquant dans son dos.

-Et toi! T’as jamais pensé que t’en demandes trop, que t’es trop exigeant et perfectionniste? Tu ne vois pas toujours ce que je fais. Je n’ai pas le temps de m’occuper de tes humeurs…

Cette attitude a deux conséquences principales. La première, c’est l’escalade dans l’agressivité. Voilà la relation plus que compromise. En attaquant violemment, l’autre sera incité à comprendre qu’il a visé juste en vous critiquant.

La deuxième conséquence, ce sont des sentiments paralysants comme la colère, la frustration et des attitudes et des comportements agressifs qui sapent aussi l’énergie. Vous gardez sur le coeur votre irritation, la relation est tendue et parfois de façon importante et vous avez un problème de plus sur les bras. Mais est-il possible de faire autrement?

3 stratégies pour recevoir une critique personnelle

Il existe bien sûr une meilleure attitude que l’agressivité, la contre-attaque ou la soumission bête à la critique, mais elle n’est pas innée . Elle est le fruit d’une réflexion et d’un apprentissage. Elle part de la volonté de ne pas être perdant ou gagnant, mais bien de tourner la situation à son avantage et de sauvegarder la relation. Elle part d’une bonne question: Qu’est-ce que je peux tirer de tout ceci, qui n’est pas arrivé pour rien? En voici les étapes :

A) Ni attaquer ni se défendre, mais demander de l’information.

Il convient tout d’abord de demander des précisions :

Qu’est-ce que je fais qui te donne l’impression que… je ne pense pas aux autres? Que je n’apporte rien à l’équipe?

Cette première répartie indique à l’autre votre ouverture, votre respect de son opinion et votre désir de collaborer et de comprendre. C’est ce qu’on appelle l’empathie. Dans une certaine mesure, elle désarme l’autre, car elle démontre votre capacité à écouter.

Cette démarche permet presque à coup sûr de constater que l’autre ne nous rejette pas complètement. Et même si la critique n’est pas justifiée, l’empathie permet de clarifier la situation. Surtout, et c’est le plus important, à aucun moment vous ne perdez l’estime de vous-même ou le contrôle de vos émotions. Être à l’aise dans une telle situation est déjà une belle gratification, une marque d’assurance et de confiance en soi.

D’autre part, chercher davantage d’information sur la critique, c’est précisément essayer de savoir si la compréhension que vous en avez correspond bien à ce que l’autre veut vous dire. Les mots sont trompeurs et nous supposons qu’ils veulent dire la même chose pour tout le monde, ce qui est rarement le cas. Un même mot peut facilement renvoyer à plusieurs représentations différentes. D’où l’importance d’avoir des informations précises. Voici quelques façons de vous mettre à la recherche d’informations:

  • Demandez des exemples précis qui ont amené la personne à formuler sa critique, des comportements objectifs et observables.
  • Si elle ne semble pas trouver d’exemples précis, vérifiez certains détails : –Est-ce que c’était lorsque…? 
  • Vérifiez si vous avez bien compris en reformulant ce qu’elle vous exprime.
  • Demandez-lui ce qu’elle désire spécifiquement en tentant de lui faire dire des comportements spécifiques et positifs.
  • Si la discussion ne tourne à rien, qu’elle ne donne pas d’exemple et ne dit pas ce qu’elle veut vraiment, peut-être y a-t-il d’autres problèmes plus importants pour elle qu’elle ne mentionne pas. Demandez-lui si autre chose la préoccupe à part l’objet de sa critique.

LIRE AUSSI: Une démarche en 4 étapes pour formuler une critique

B) Ne pas tomber dans le piège: désarmer l’attaquant

-C’est vrai, je suis souvent distrait ou préoccupé par mes propres problèmes, et je ne vois pas toujours que toi aussi tu as les tiens. 

Nous avons vu que pour bien recevoir une critique, ni la fuite ni l’attaque ne laisseront le critiqué en paix. Pour désarmer quelqu’un, il suffit de trouver un moyen pour être d’accord avec lui si on peut lui donner sincèrement raison (cette dernière partie est importante). Il ne s’agit évidemment pas de lui donner entièrement raison et de prendre tous les torts lorsque nous ne les méritons pas. Par contre, admettre qu’on est imparfait ne fait de mal à personne, à moins d’être obnubilé par un orgueil formidable.

Pour y arriver, il ne faut surtout pas céder à la tentation de se défendre car, le faire, c’est aller dans le sens des attentes de l’autre. En effet, en vous critiquant, il s’est mûrement préparé à votre résistance. Le fait que vous alliez dans le sens contraire de ses prévisions le désarmera à coup sûr.

Il est intéressant de constater que les techniques d’autodéfense, comme le Taekwondo, utilisent les mêmes principes. Par exemple, si quelqu’un vous attaque par derrière, plutôt que de résister en tirant vers l’avant, vous laissez votre corps suivre le mouvement de l’agresseur. Ce dernier, préparé à une forte résistance, tombe par terre, déséquilibré.

La technique pour désamorcer la critique est un peu la même. Si la personne qui exprime une critique se sent écoutée, considérée, elle pourra à son tour mieux vous écouter. Par contre, si vous passez votre temps à l’interrompre, à tenter de lui prouver qu’elle se trompe sans l’écoute, vous vous acheminerez sans doute vers une relation coupée.

Sur quoi pouvons-nous tomber d’accord? D’abord sur les faits qui vous semblent véridiques.

-C’est vrai que je n’étais pas à la dernière réunion… que je suis arrivé en retard…

De même, vous pouvez tomber d’accord avec la perception qu’a l’autre personne de la situation.

-Je conçois que pour toi ce soit important… que ce soit choquant…

C)  Exprimer sa propre perception : négocier

Lorsque vous connaissez ce qui, dans votre attitude ou votre comportement, a suscité les propos ou remarques de la personne qui vous critique (demandes d’information, de précision), une fois que vous avez manifesté un certain accord, il faut maintenant verbaliser votre perception des choses et, si la personne a fait erreur, le lui faire comprendre, tout en continuant d’être diplomate dans votre façon de le faire. À votre tour de donner votre vision de la situation et de corriger la sienne s’il y a lieu.

Devant la critique, il ne faut surtout pas céder à la première impulsion quelle qu’elle soit. Poser des questions, aller chercher des précisions permettront de mieux cerner la critique, au besoin de corriger la perception de l’autre en démontrant que l’on est capable d’accepter un compromis, de négocier.

Il ne faut jamais laisser à l’autre le pouvoir de nous connaître mieux que nous-mêmes, soit en se soumettant à son jugement, soit en le laissant maître de notre propre colère. Gardez le contrôle de la situation. Si vous voulez sauvegarder l’estime que vous avez de vous-même, de même que votre relation avec cette personne qui vous critique, que ce soit sur votre terrain et à vos conditions. C’est dans votre réaction qu’est tout l’enseignement d’une critique. Ce peut vraiment être une occasion de s’estimer davantage, d’admettre vos torts si c’est vraiment le cas ou tout simplement de faire un compromis avec diplomatie.

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