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La communication, Santé mentale

Sortes de manipulateurs: comment les reconnaître

Marc Vachon, m.ps.

Il y a plusieurs sortes de manipulateurs. Il y a ceux qui vous donnent toujours l’impression de tout faire de travers et que rien n’est jamais assez bon à leurs yeux, qu’elles sont les seules à faire les choses correctement. Ceux qui réussissent à vous “vendre” quelque chose (au sens propre comme au sens figuré) dont vous n’aviez pas besoin. Des parents qui décident de l’orientation et de la carrière de leur enfant. Des enfants qui ont le don de cajoler leurs parents ou leurs grands-parents pour avoir d’eux ce qu’ils désirent.

Il y a encore ceux qui se servent de leurs charmes pour distraire leur patron ou leur entourage d’un travail mal fait. Ceux pour qui leurs employés ne sont que des moyens d’atteindre du succès ou de l’avancement. Ceux qui, en prenant de l’âge, se servent de leurs maladies pour attirer l’attention de leurs enfants ou des personnes qui en prennent soin. Ou encore, ces politiciens qui promettent tout, sauf des hausses de taxes…

Nous pouvons tous, à notre façon, être des manipulateurs et en être les victimes. Mieux connaître leurs stratégies et moyens d’actions privilégiées peut nous permettre, non seulement de sortir du cercle vicieux dans lequel la manipulation nous enferment, mais de créer des relations interpersonnelles plus satisfaisantes et plus épanouissantes.

Dans un autre article (Définition de la manipulation: pourquoi on se laisse faire?), j’ai défini la manipulation et donné un premier grand groupe d’explications qui peuvent rendre compte de notre vulnérabilité aux personnes manipulatrices.

Mais je crois aussi qu’en connaissant mieux les sortes de manipulateurs et surtout en reconnaissant ceux auxquels nous sommes le plus sensible, nous pourrons mieux nous en protéger.

Deux sortes de manipulateurs: actifs et passifs

Je vous présente ici un modèle que je considère particulièrement intéressant, celui du regretté psychologue, auteur et professeur américain Everett L. Shostrom (1). Shostrom fait la distinction entre les manipulateurs actifs et passifs et nous présente huit sortes de manipulateurs, quatre dans chaque catégorie. Les manipulateurs actifs se caractérisent par une recherche active du contrôle qu’ils veulent garder à tout prix. Pour employer un anglicisme, ils victimisent les autres, capitalisent sur leur faiblesse et trouvent leur gratification par l’exercice d’un contrôle gratuit sur les autres. On retrouve ici le Dictateur, le Juge, la Brute et le Calculateur.

Les manipulateurs passifs quant à eux cherchent le contrôle par des méthodes passives, utilisant des moyens subversifs. Ils s’organisent pour ne jamais offenser et gagnent le plus souvent. Ce sont la Victime, le Dépendant, l’Aimable et le Protecteur. Je me contenterai ici d’en faire une très brève description en les combinant deux par deux, puisque chaque type actif a son pôle opposé passif et vice-versa. En effet, les manipulateurs exagèrent un type ou une combinaison de types et projettent son opposé sur les autres, en en faisant des cibles. Par exemple, la Victime va souvent prendre un conjoint Dictateur et le contrôler par des moyens subversifs. La figure 1 vous permettra de situer et de visualiser ces comportements manipulateurs et leur complémentarité.

sortes de manipulateurs
Figure 1: manipulateurs actifs et passifs

Le Dictateur et la Victime

Alors que le Dictateur exagère sa puissance, son pouvoir, la Victime exagère sa sensibilité. Le Dictateur domine, ordonne (pensez à l’enfant-roi, au supérieur abusif, à la “mère supérieure”.). Il pourra citer des références pour appuyer ses dires ou parler au nom de principes moraux et fera tout pour contrôler sa victime. La Victime jouera plutôt l’inquiet, le stupide, le confus. Il oublie, n’entend pas, collectionne les injustices, les drames dont il peut vous parler en long et en large et fera tout pour rendre l’autre responsable de sa situation.

La Brute et l’Aimable

La Brute exagère son agressivité, sa cruauté, sa rudesse alors que l’Aimable exagère son amour, sa gentillesse. La Brute intimide, fait des menaces directes ou implicites de toute sorte: «Ne me déçois surtout pas !» – «Tout dépend de toi!» – «Il y en a d’autres qui aimeraient bien avoir ce poste-là…». L’Aimable, on pourrait aussi dire le bon gars ou la bonne fille, tue par sa gentillesse. D’ailleurs, il gagne toujours quand il est en conflit avec la Brute. Alors que la Brute humilie, menace, peut être odieuse, méchante, l’Aimable est non-violent, ne s’implique pas, est vertueux, non-offensant. «Comment peut-on lui faire ça? C’est tellement un bon gars.»

Le Juge et le Protecteur

Le Juge exagère son côté critique alors que le Protecteur exagère son support. Le Juge se méfie de tout et de tous. Il est culpabilisant, garde de la rancune et est très lent à pardonner. Il sait tout, blâme, collectionne les ressentiments, est très moral. Le Protecteur lui ne juge jamais, même quand il y a faute. C’est celui qui gâte les autres, qui est hyper sympathique à leur cause, qui souffre même pour eux. Sans lui, qu’allez-vous devenir? C’est un sauveur, un martyr, un aidant. Il est embarrassé pour les autres et vous êtes en dette envers lui. «Après tout ce que j’ai fait pour toi…» Plutôt que de s’occuper de ses propres besoins, il ne s’occupe que de ceux des autres.

Communiquer avec un manipulateur

Retenez qu’on ne communique pas normalement avec un manipulateur. En effet, comme je l’ai déjà souligné, pour les manipulateurs, l’expérience humaine n’a qu’un but: le contrôle. Il ne communique pas avec une personne, mais avec une chose. Ce qui caractérise le plus sa façon de communiquer, c’est la confusion. Il n’exprime pas clairement ses besoins, ses sentiments et ses opinions et ses réponses sont très souvent évasives. Souvent, il nous faut décoder entre le verbal et le non-verbal, deviner, interpréter. Par exemple, son langage non-verbal nous indique qu’il boude, qu’il est en désaccord, mais il dit qu’il ne boude pas, que tout est correct.

De plus, il écoute de la mauvaise façon. Il fera par exemple de l’écoute sélective, n’écoutant que ce qui fait son affaire, que ce qui va dans le sens de ses idées pour s’en resservir, évitant même certains sujets. Il pourra aussi faire de l’écoute défensive, typique quand il est en position d’autorité. Ou encore de l’écoute impatiente, interrompant souvent l’autre, complétant ses phrases pour prendre le contrôle. Et même parfois il écoutera attentivement juste pour pouvoir vous prendre en défaut, posant des questions pour mieux attaquer, portant des jugements, posant un diagnostic. Bref, iI N’ÉCOUTE PAS et il faut faire le deuil d’une communication idéale avec le manipulateur (hum… difficile de lâcher-prise)

La solution ne viendra donc pas de lui et il nous faut impérativement trouver des moyens de modifier cette communication faussée et apprendre à décoder la communication. Nous nous arrêterons à cet aspect dans le prochain article: Manipulation: 6 pistes pour vous aider à reprendre le contrôle (3).

Note

  1. SHOSTROM, L. Everett (1968) Man the Manipulator – The Inner Journey from Manipulation to Actualization. Bantam Books. 188 pages.
  2. Lire aussi: Les manipulateurs : deux grands types de personnalité
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