On entend régulièrement parler, dans la conversation courante, de cerveau droit et gauche. Certains vont même se vanter d’être davantage cerveau droit, comme si c’était mal vu ou même péjoratif d’être cerveau gauche.
D’ailleurs, peut-être avez-vous déjà vu cette figure de la danseuse qui tourne sur elle-même. Vous la voyez tourner à gauche ou à droite?
Cette amusante illusion d’optique, créée par le Web designer Nobuyuki Kayahara (note 1), est présentée à tort comme un test de personnalité censé révéler l’hémisphère dominant de l’observateur, selon qu’il la voit spontanément tourner dans le sens horaire ou anti-horaire.
Cette notion de prédominance d’un hémisphère sur l’autre est cependant très largement répandue dans le public. Qu’en est-il exactement?
On sait que lorsque les deux hémisphères sont interconnectés – ils le sont par le corps calleux, sorte de trait d’union d’axones entre les deux – et qu’ils se complètent. Mais quand ils sont séparés par la chirurgie, c’est un peu comme si on avait affaire à deux cerveaux indépendants.
Comme nous l’explique la neuro-anatomiste Jill Bolte Taylor (note 2,) notre hémisphère droit nous permettrait d’avoir une vue d’ensemble du moment présent, de son odeur ou de sa saveur. Il enregistre les données en fonction de leurs relations les unes aux autres. De son point de vue, il n’existe pas d’autre temps que le présent et il se montre par nature spontané, intuitif et imaginatif, encourageant nos penchants artistiques à s’exprimer sans inhibition.
« Il nous considère tous comme des membres à part égale de la grande famille humaine. Il perçoit immédiatement ce qu’il y a de semblable en vous et moi et ce qui relie chacun d’entre nous à cette merveilleuse planète (…) Il se forme une vue d’ensemble des situations, s’attache à ce qui rapproche (…) Notre empathie, notre capacité à nous mettre à la place d’autrui, prend naissance dans notre cortex frontal droit. » (note 2, p. 42)
Notre hémisphère gauche fonctionnerait différemment. Il rattacherait de manière chronologique et logique les instants les uns aux autres, comparant sans cesse les particularités de tel moment donné à celles du précédent et nous donnant une idée du passé, du présent et du futur, ce qui nous permettrait de « comprendre qu’il faut accomplir telle action en préalable à telle autre. C’est mon hémisphère gauche qui me tire de ma perplexité face à une paire de chaussettes et de chaussures en me rappelant qu’il fait enfiler les unes avant les autres. » (note 2, p. 42)
Chaque hémisphère aurait ainsi sa façon propre de cadrer l’information, le droit fonctionnant par images en se formant une vue d’ensemble, le gauche s’attachant aux détails. Le droit verrait la fleur, le gauche en distinguerait les différentes parties. Nous avons d’ailleurs déjà traité dans un autre article des manières différentes que deux personnes peuvent avoir de cadrer l’information, l’une étant plus globale et l’autre plus spécifique, ce qui peut même, à l’occasion, être source de difficulté en communication.
Quoiqu’il en soit, il semble que toutes ces différences, si elles semblent généralement admises, ne rendent pas compte tout à fait de la réalité. Il est vrai, comme l’a démontré le neuro-psychologue Roger W. Sperry en 1960, que nos capacités verbales soient concentrées du côté gauche de notre cerveau. La « petite voix » qui nous parle sans arrêt et qui nous rappelle de faire ceci ou cela, c’est effectivement le centre du langage de l’hémisphère gauche dont le rôle est de définir notre individualité, notre « je ».
Malgré cette spécialisation, le cerveau droit joue aussi un rôle dans le langage. En effet, des patients ayant subi une chirurgie séparant les deux hémisphères peuvent pointer des mots écrits qu’on présente à leur hémisphère droit, même s’ils sont incapables de prononcer ces mêmes mots.
D’autre part, si les recherches démontrent que l’hémisphère droit serait davantage spatial, émotionnel et créateur (il réussit mieux dans des tâches comme de faire tourner mentalement des formes, identifier des mélodies ou reconnaître les émotions faciales), encore là plusieurs recherches tendent à démontrer que les différences entre les deux hémisphères à ce propos soient relativement faibles. La neuro-psychologue Brenda Milner a même démontré dans ses recherches (note 3) qu’il y a beaucoup plus de ressemblances que de différences entre les deux hémisphères.
Ainsi, une nouvelle théorie dite des deux cerveaux a émergé ces dernières années. Elle soutient qu’à certains moments, l’un ou l’autre des hémisphères est en opération. Par exemple, le cerveau droit serait en contrôle quand un artiste peint, et le gauche quand un écrivain écrit un livre. Cette théorie soutiendrait entre autres 3 points importants:
1. La logique n’est pas confinée à l’hémisphère gauche, même si elle y domine. Elle est aussi présente dans le droit.
En conclusion, nous avons besoin de nos deux hémisphères pour bien fonctionner dans toutes les facettes de la vie. Ils travaillent de concert. Ce qui revient à dire qu’il n’y a personne de purement cerveau gauche ou droit. Il y a plutôt un continuum dans lequel les deux hémisphères travaillent en harmonie. L’un ou l’autre hémisphère pourra être plus actif chez certaines personnes, suivant les tâches à accomplir ou les situations de la vie, mais il n’opère jamais seul.
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