S’étonner est un des plus sûrs moyens de ne pas vieillir trop vite. Colette
De plus en plus d’individus se préoccupent de préparer leur retraite en investissant leur argent dans des produits financiers qui les mettront à l’abri du besoin. Il est tout aussi important de se préparer psychologiquement à cette période de transition, et parfois de crise, afin de pouvoir vieillir en beauté.
Vous rappelez-vous avoir entendu un enfant affirmer avec candeur et naïveté : Moi, je n’en aurai pas de crise d’adolescence… lorsqu’il assiste, étonné, aux soubresauts dans l’humeur de ses jeunes aînés de 13, 14 ou 15 ans? Et vous, parents, de sourire et de parfois croiser les doigts en soupirant, sachant que rien ne peut empêcher un enfant de grandir, de chercher son autonomie et son identité, et de se détacher parfois maladroitement de l’emprise parentale.
Il en va de même pour les autres passages de la vie qui tous ne revêtent pas, bien sûr, autant d’effets spectaculaires et d’intensité pour les autres, mais qu’on ne peut éviter. La crise de la quarantaine et l’âge de la retraite ne vont pas sans soulever d’importantes prises de conscience chez la grande majorité d’entre nous: remises en question profondes de sa vie personnelle, familiale, professionnelle; amoindrissement des capacités physiques, parfois de la santé; flétrissement graduel de la beauté selon les critères de notre époque; changements dans les valeurs, les choix, les relations avec les autres, etc.
S’apprêter à vieillir et le faire dans l’harmonie nécessitent donc une sorte de préparation, un apprivoisement qui est beaucoup plus difficile à réaliser qu’on ne le croit généralement. Se préparer à une crise n’empêche ni l’avènement de la crise, ni la perte d’énergie psychique qui l’accompagne. Lorqu’on est dans une période où tout va bien, lorsqu’on est jeune, en santé et au travail, il est facile d’imaginer à l’avance une attitude positive face à un événement. On oublie parfois alors de prévoir l’imprévisible: les sentiments dépressifs, la fatigue, le stress, l’épuisement, qui tous peuvent modifier l’attitude la plus positive le moment venu. Si on a déjà connu de ces épisodes, on a souvent oublié leur acuité et leur effet démobilisant qui laisseront parfois un sentiment d’impuissance temporaire.
Et que dire du pire des cas, celui où on n’aura pas du tout envisagé ces étapes du vieillissement, ni préparé de scénario pour accepter de vieillir et se préparer à le faire en beauté. Rappelons-nous l’enfant qui croit fermement qu’il ne fera pas souffrir ou s’inquiéter ses parents comme son grand frère ou sa grande sœur, et qui le fera tout de même, non par manque d’amour, mais plutôt porté par ce débordement d’énergie inconnue et nécessaire à son mûrissement.
La maturité et le vieillissement sont en réalité, si on oublie les préjugés et les stéréotypes culturels, des étapes importantes vers le sommet de la croissance. On peut parfaitement grandir encore, être heureux, en santé, actifs physiquement, intellectuellement et même sexuellement. Mais pour cela, il faut investir à long terme, un peu comme on achète son REER (1).
S’il faut prendre soin de sa santé, de sa peau, de son apparence, il ne faut pas oublier son intérieur, ce grand négligé invisible qu’on est souvent porté à faire passer en dernier, peut-être parce qu’il ne paraît pas (croyons-nous !).
Mais parlons donc des apparences! Comparons un instant avec la nature, les arbres, les plantes et même les animaux. Tout ce qui vieillit dans la nature attire notre admiration. Les couleurs de l’automne, les feuilles jaunes, rouges, orangées, brunes émerveillent tous ceux qui aiment leur environnement. Les vieux arbres centenaires, immenses, qui jettent en été un ombrage rafraîchissant représentent une richesse que tout nouveau propriétaire voudrait pouvoir transplanter dans ses projets d’embellissement paysager.
Qui peut dire l’âge d’un chat, d’un chien, d’un oiseau? Qu’est-ce qui fait qu’une première ride (apparue à l’âge de trente ans), qu’un ou deux cheveux blancs (présents dans la vingtaine) vont parfois déclencher des angoisses dont on se défend bien en courant chez l’esthéticienne ou le coiffeur? Qu’est-ce qui fait que le nombre 40, 50 ou 60 déclenche le classique coup de vieux qui pousse à cacher ou oublier son âge, et le nombre magique 65 à vendre sa maison, à se vêtir de gris et à se considérer comme dans l’antichambre de la mort alors qu’il reste parfois 20, 25 et même 30 ans de vie?
Méfions-nous de l’attitude de la société et de celle de notre culture. Apprenons à nous passer de préjugés ne serait-ce que pour vivre plus harmonieusement avec nous-mêmes. Certes une belle personne de 70 ans ne se compare pas à une belle personne de 20 ans. Mais pourquoi comparer?
Consacrons plutôt nos forces à apprendre, à connaître et à exploiter notre vie intérieure d’abord. Cela nous donnera l’énergie et le goût de préserver l’extérieur et d’accepter aussi l’effet du temps sur toute notre personne.
Les recherches en psychologie développementale démontrent que la maturité et le vieillissement sont des périodes heureuses dans la mesure où la santé est bonne et la réussite professionnelle acquise. C’est d’abord sur ces plans qu’il faudra investir. Préserver sa santé implique donc des choix quant à l’alimentation, l’exercice et les habitudes de vie. Préserver sa beauté justifie certains soins de la peau, des cheveux, puisque l’image que l’on a de soi influence le bien-être psychologique. Aller chez le coiffeur, se payer un vêtement, pratiquer un sport qu’on aime, décorer son appartement, planter des fleurs ou des tomates, méditer, lire, aller au cinéma de temps en temps… sont des plaisirs légitimes qui nourrissent l’estime de soi autant que l’intelligence et la santé générale.
Se poser les vraies questions sur l’épanouissement que permet le travail ou les activités quotidiennes pourra permettre de faire des choix très importants à une période souvent cruciale. Il faut y penser suffisamment longtemps, mais pas trop, et se faire aider s’il y a lieu. Réfléchir à sa vie de couple et familiale peut permettre d’agir selon ses valeurs en termes de temps et de qualité, sans attendre que la distance émotionnelle ne soit trop grande avec les autres. Avoir encore des rêves et se mettre en route dès maintenant. Apprécier la route autant sinon plus que la destination.
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La maturité et le vieillissement seront pour nous tous, qu’on le désire ou non, le temps des bilans. Celui aussi où davantage nous serons en contact avec notre condition mortelle, et où nous aurons de moins en moins de temps à perdre. Malgré nous, nous entrerons dans cette période. Si nous l’avons envisagée, si de plus nous nous sommes donné des moyens de préserver notre énergie vitale, nous pourrons mieux l’aborder et y réagir, supporter les désillusions, aborder les nouveaux défis et réorienter notre vie en fonction de notre situation.
Il y a deux façons de vieillir. La première nous polira et affinera notre valeur en tant qu’être humain, comme ce bel automne flamboyant, en nous enrichissant de sagesse, de tolérance, de patience et d’indulgence, de souplesse devant la nouveauté. La disponibilité, la disposition mentale et spirituelle nous aideront à grandir et à aider autrui à le faire.
Au contraire, le refus de vieillir conduira à l’involution physique, au rabougrissement spirituel, à l’intransigeance obstinée, à la dépression et au désespoir. Donnons-nous donc la chance d’être heureux et préparons-nous à transiger avec la crise. Augmentons nos ressources sur tous les plans et faisons confiance à la vie. Faisons-nous confiance pour trouver les réponses.
Tout comme parents nous savons que la crise d’adolescence finit par passer et permet à l’enfant de devenir adulte, retenons que toute période difficile peut aussi être un tremplin vers d’autres étapes, même si c’est la dernière; c’est la seule façon de préserver notre beauté.
En terminant, je vous laisse avec cette belle phrase de la romancière française Christiane Singer qui, devant s’astreindre à une chimiothérapie dévastatrice, écrivait : Quelle que soit l’issue de mon combat, la vie ou la mort, je choisis la vie.
(1) REER: Régime enregistré d’épargne retraite au Canada.
Crédit photo: Ed Rascaille
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