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Créativité, Rapports intergénérationnels

Les jeunes et la mondialisation

Marc Vachon, m.ps.

À l’ère de la mondialisation, que sommes-nous en train de transmettre aux prochaines générations? Que voulons-nous leur transmettre? Comment faire pour y arriver?

J’ai donné, pendant de nombreuses années, des conférences sur les rapports entre les différentes générations dans les milieux de travail (Bâtir des ponts entre les générations). Aussi ai-je été très intéressé par le dossier Les jeunes et la mondialisation paru dans le magazine Psychologie Préventive (no. 43). Claude Béland, ancien président de Desjardins, ce grand regroupement de coopératives de services financiers au Canada, y donne son opinion éclairée sur les questions posées en début d’article. Un constat réaliste et un peu pénible, quand il résume l’évolution de la société depuis la dernière guerre jusqu’à aujourd’hui, mais une conclusion pleine d’espoir sur des initiatives qui montrent que de nombreuses personnes, jeunes et aînés, travaillent à relever les défis d’une mondialisation qui n’a pas livré ses promesses. Je me permet d’extraire de son article (Le début de temps nouveaux) de larges extraits.

Des années ’50 à aujourd’hui: accélération de la mondialisation

Les années 50 à 70 sont faites de prospérité. Le Québec entre dans la modernité qui donne accès à chacun aux services essentiels (éducation, soins de santé) et qui offre la perspective d’une société nouvelle faite de liberté, de libéralisation des femmes et des jeunes. Puis, les années ’80 sont marquées par des contraintes budgétaires, plus de chômage et la remise en question de l’État providence. C’est la fin de l’utopie d’une croissance sans fin et se lèvent les premiers grands vents de la mondialisation. Les technologies de production requièrent de moins en moins d’intervention humaine, les technologies de la communication rapetissent la planète, rapprochent les peuples et les marchés et une lutte vigoureuse s’engage pour la conquête des marchés. Tout va vite, il faut aller au plus urgent, finie la vision à long terme, le court terme devient la norme. On assiste alors à un repli sur soi. Le tous pour un, un pour tous prend l’allure du chacun pour soi.

Les partisans du néolibéralisme profitent de l’accélération de la mondialisation, et ils annoncent un monde plein de promesses, d’espoir, à condition qu’il y ait libéralisation en matières économiques et financières. On réduit les pouvoirs de l’État, on favorise le décloisonnement des marchés, la fusion des entreprises, la formation de conglomérats et de quasi-monopoles. Bref, tout cela se fait en diminuant les mesures sociales tout en valorisant le succès individuel. Les frontières deviennent plus perméables. C’est la lutte pour la conquête des marchés. L’époque est au précaire, à l’individualisme égoïste, voire au cynisme autiste…

Après quelques décennies, les promesses tardent cependant à se manifester et de nouveaux défis se présentent: le défi démographique, la dette publique, le vieillissement de la population et les coûts qui y sont reliés, le chômage, l’exclusion, la pauvreté, une planète essoufflée qui demande grâce, une demande accrue pour les soins de santé, etc. Les aînés et les boomers n’auront pas le temps de régler tous ces défis, ils les laisseront en héritage aux générations X, Y et à toute la génération Z à venir (née après 1985).

Sous l’effet de la mondialisation, dans la plupart des pays industrialisés, on note une augmentation du Produit intérieur brut (PIB) mais aussi une diminution du Bonheur intérieur brut (BIB). Déception pour les jeunes, mais pour les aînés aussi. L’accélération de la mondialisation profite à une minorité de gagnants et désavantage une majorité de perdants, aînés, boomers et nouvelles générations qui voient leur avenir s’obscurcir, avec des opportunités plus rares et difficiles à exploiter.

La frustration est grande chez les générations Y et X, et les espoirs d’un redressement apparaissent utopiques. Ils s’inquiètent de l’avenir et préfèrent profiter de la vie dès maintenant, l’avenir étant incertain. Ils craignent l’engagement à long terme, une réaction qui nourrit la cohorte des décrocheurs: décrocheurs de l’école, du travail, de la vie!

De l’espoir

Claude Béland trouve néanmoins important qu’on parle d’une autre cohorte qui porte l’espoir et le désir d’agir, aînés et jeunes qui ont la volonté de “faire ensemble”, de remettre à l’ordre du jour la solidarité, la recherche d’une certaine équité pour permettre à tous de vivre dignement. Déçus du monde dont ils avaient rêvé ou dont ils héritent, ils veulent le refaire à leur façon et selon leur vision. M. Béland donne des exemples: la croissance remarquable du nombre d’entreprises sous contrôle démocratique (coopératives, mutuelles, organisations sans but lucratif, comités de citoyens, etc); le militantisme des jeunes et moins jeunes dans la protection de l’environnement; la création d’Équiterre par des jeunes qui militent en faveur d’une alimentation responsable et qui fait la promotion du commerce équitable; la création du Groupe investissement responsable qui encourage les investisseurs à utiliser leurs pouvoirs d’actionnaires afin de promouvoir la responsabilité citoyenne des entreprises; l’Institut du Nouveau Monde qui réunit l’été des centaines de jeunes volontaires dont les préoccupations sont l’éducation à la citoyenneté, le soutien aux aidants naturels, l’économie sociale, l’étiquetage des OGM, le commerce équitable, la protection de l’eau; Mentorat Québec et la Fondation de l’Entrepreneurship qui apportent leur contribution à l’établissement de relations profitables entre les générations… Toutes ces initiatives d’ici laissent poindre, selon l’auteur, un temps nouveau!

À cette liste, permettez-moi d’ajouter Génération d’idées, un groupe de réflexion qui s’est donné pour mandat d’intéresser les 20-35 ans au débat public et qui les invite à s’exprimer sur des thèmes de société comme l’environnement, la guerre et la paix, le vieillissement, etc. Du 26 au 28 novembre 2010, 400 jeunes de 20 à 35 ans, de tous horizons et des quatre coins du Québec, se sont rencontrés pour parler politique dans le cadre du premier Sommet Génération d’idées. Plus de 30 bénévoles ainsi qu’une vingtaine de mentors dont Claude Béland ont contribué au succès de cet événement unique en son genre. Les discussions, échelonnées sur trois jours, ont eu cours dans 24 ateliers portant sur un vaste éventail de thèmes. 

  • Claude Béland. Le début de temps nouveaux. in Psychologie Préventive, no. 43 (2009), pp.3-9. Cet article fait partie d’un dossier intitulé  Les jeunes et la mondialisation: entre fascination et vigilance
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