L’impuissance à agir est parfois bien réelle, mais souvent dans notre tête et apprise.
C’est bien connu, une des principales sources de stress, surtout quand on vit un changement, c’est le sentiment de ne pas avoir de contrôle ou d’influence sur la situation. Il y a bien sûr une impuissance réelle, mais il faut bien réaliser aussi que l’impuissance est souvent dans notre tête. Même si dans les deux cas, l’effet est le même, il est bon de comprendre la deuxième pour trouver des pistes d’action. Voici trois caractéristiques de l’impuissance apprise.
Impuissance apprise et sentiment de permanence
L’impuissance apprise se caractérise d’abord par le sentiment que la situation que l’on vit est permanente. Elle s’exprime dans notre vocabulaire par l’utilisation des mots toujours, jamais, rien, tout, personne… Ce sont là des généralisations qui nous donnent le sentiment que ce sera toujours comme ça, que ça ne reviendra jamais, que l’on ne peux rien faire, que tout le monde est comme ça, que personne ne comprend.
En fait, une des premières choses qu’on peut faire pour soi, c’est de mettre en doute ces généralisations. Par exemple, si on croit que l’on ne peut rien faire, se demander: est-ce vrai que je ne peux absolument rien faire. À C’est toujours comme ça, opposer la question: est-ce que c’est vraiment toujours comme ça? Mettre en doute Personne ne peut me comprendre par: y a vraiment personne au monde qui pourrait me comprendre? Trouver donc des exceptions à ces phrases qui nous limitent en se demandant peut-être aussi Qu’est-ce qu’il y a de ridicule là-dedans?
Impuissance apprise et victime
La deuxième caractéristique de l’impuissance apprise, c’est le sentiment d’être victime. Cela peut s’exprimer par des phrases comme C’est pas de ma faute! Ça n’arrive qu’à moi! J’ai pas le choix! Il n’y a rien à faire! Ils ont perdu le contact avec le vrai monde… Ils ne savent pas comment ça se passe en bas… Ils ont complètement perdu le contrôle… On dirait qu’ils le font exprès… Comme je l’écrivais ailleurs, nous ne vivons pas dans une société qui favorise la responsabilisation, mais plutôt dans un univers affligé par la « C’tacause »… C’est pas de ma faute, c’tacccause de mon patron, c’tacccausede mon conjoint, de mes parents, de la température, du gouvernement….
Qu’il nous suffise de penser à ces journées où nous nous levons du mauvais pied et pendant lesquelles nous avons l’impression que rien ne fonctionne, que tout va de travers, que tout ce que nous entreprenons n’aboutit à rien. Certains vont y voir le signe du destin qui s’acharne sur eux, d’autres diront que les personnes qui les entourent font vraiment tout pour les contrarier, d’autres encore se plaindront de la température, du manque de sommeil ou de la mauvaise qualité de l’air. Toutes ces explications ne sont peut-être pas sans fondement. Mais elles laissent aussi supposer que l’individu est une victime passive des événements extérieurs et de ses émotions. Or il est possible, et même probable, que notre état d’esprit de départ ait lui-même conditionné nos comportements, pavant ainsi la voie à la lamentable journée que nous avons vécue. (Oser changer: mettre le cap sur ses rêves, p. 22)
Impuissance apprise et sentiment d’envahissement
La troisième caractéristique de l’impuissance apprise, c’est le sentiment d’envahissement. Nous avons alors la certitude que tous les secteurs de notre vie sont affectés par le changement. Par exemple, si j’ai un échec dans un domaine donné, j’ai le sentiment que je suis un échec ou que ma vie est finie… Un peu de vigilance est requise ici pour se ramener à l’ordre quand on se prend à faire ce type de généralisation. Attention: à force de se répéter ce genre de phrase négative, la croyance se développe et devient pour nous une certitude qu’on ne remet même plus en question.
Rappelez-vous: ce ne sont pas les événements qui nous arrivent qui modèlent notre vie et ce que nous devenons, mais le sens que nous leur donnons, l’interprétation que nous en faisons. Nous devons tous faire face à des changements dans notre environnement qui nous obligent à nous adapter, que ce soit au travail, à la maison, à l’école ou dans la société en général. Et le sens que nous leur attribuons est largement déterminé par les croyances que nous avons développées à propos de nous-même, de notre capacité à réagir et à agir, des gens, de la vie en général. Nous en avons d’ailleurs abondamment parlé ailleurs dans le chapitre 4 Développer l’allié en soi du livre Oser changer.
Comment sortir de l’impuissance
La responsabilité est le prix de la liberté, dit Cyrille Guimard. Pour sortir de ce cycle de la victime, il faut décider de se mettre aux commandes et prendre la responsabilité de ce qui nous arrive et de la réponse à faire. On n’a peut-être pas choisi ce changement, mais on peut choisir ce qu’on va faire avec, on peut choisir comment on veut y réagir, on peut choisir l’état d’esprit qu’on veut entretenir, le point de vue que nous voulons avoir sur ce changement.
Comme le disait en entrevue l’athlète en fauteuil roulant Chantal Petitclerc (Résilience et détermination), qui subissait à 13 ans une lésion de la moelle épinière qui la priverait de l’usage de ses jambes et la clouerait dans un fauteuil roulant: «On a chacun notre parcours… notre responsabilité, c’est d’en faire un beau parcours, de ne pas être une victime de ce parcours… J’aime penser que je me suis moi-même construit la vie que je voulais.». Cette Québécoise est la seule athlète au Canada à avoir gagné des médailles au Jeux paralympiques, Olympiques et du Commonwealth.
Il faut aussi en arriver progressivement à développer une stratégie orientée sur la solution plus que sur le problème. Voir la situation telle qu’elle est, bien sûr, puis se demander ce qu’on fait avec ça et voir la situation mieux qu’elle est.
La courte vidéo que vous allez trouver plus bas, utilisée par certains formateurs, est une bonne illustration de l’impuissance apprise et elle va vous amuser. Malgré le côté caricatural de la situation dépeinte, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre bien comment il arrive qu’on soit confronté à un changement et qu’on ait la certitude qu’on ne peut rien faire, que la solution nous échappe. Au lieu de se mettre aux commandes, c’est comme si on était en transe hypnotique, convaincu que la réponse devrait venir de l’extérieur. Jetez-y un coup d’œil. c’est une bonne illustration d’un des sentiments les plus pénibles qui soit: l’impuissance.
LE BRIS DE L’ESCALIER ROULANT