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Stress

Moyens de défense face au stress

Marie Bérubé, M. Psychologie

Il y a de bons et de moins bons moyens de défense face au stress. Voyons-les.

Le stress est, au départ, la tension normale éprouvée devant un besoin, une demande faite à l’organisme, un changement de vie, une tâche à exécuter. En fait, les demandes qui nous sont faites contribuent à nous garder vivants. Notre environnement, notre travail, les êtres que nous côtoyons chaque jour, toutes ces situations et bien d’autres sollicitent des réactions de notre part. Ces demandes peuvent également être positives ou négatives. Ce sont des stimulations. Et le corps, biologiquement parlant, ne fait pas la différence entre une stimulation positive et une stimulation négative : sa réponse est dite non spécifique. Plus intense est une stimulation, plus la réponse de stress sera fortement ressentie. En fait, la réaction physiologique se déroulera en trois temps, dépendamment de la grandeur de la stimulation (force), de sa durée et de la capacité ou de l’incapacité de l’organisme de s’ajuster.

Les trois temps de la réponse d’adaptation psychologique

La réaction d’alarme est la première de ces trois étapes. À ce premier stade, l’organisme s’apprête, malgré lui, à réagir soit par la fuite ou par l’attaque. Le système nerveux autonome déclenche une série de réactions, et ce, de façon involontaire, qui vont mobiliser toute l’énergie possible pour affronter la situation perçue comme menaçante. Le rythme respiratoire s’accélère ainsi que le rythme cardiaque, la pression sanguine augmente; les muscles se tendent et se contractent; la circulation sanguine se modifie afin d’alimenter les muscles en oxygène; la digestion se ralentit; les surrénales libèrent l’adrénaline; les facteurs de coagulation sanguine augmentent. Si l’efficacité potentielle du système de défense s’accentue, par contre, la résistance du corps est fortement mise à l’épreuve. Normalement, une fois le danger passé, le corps revient à un niveau d’activation plus raisonnable.

La résistance est la deuxième. Aujourd’hui, dans nos sociétés fortement industrialisées, instruites et compétitives, les agents stressants sont nombreux et de nature fort différente de ceux qu’affrontaient nos ancêtres. Plus souvent qu’autrement, la composante psychologique domine. Et il arrive très fréquemment que les agents stressants de la première étape continuent de solliciter sans cesse l’adaptation ; nous entrons alors dans la seconde phase qui est celle de la résistance. À ce stade, les réactions défensives continuent, mais de façon plus modérée (quoique plus insidieuse) et la résistance du corps s’élève au-dessus de la normale. Le corps fonctionne sur ses réserves.

Résolution ou épuisement. La seconde étape devrait déboucher sur une solution ou, si l’organisme en est incapable, elle se termine par la troisième étape du processus qui est celle de l’épuisement. C’est alors que les signes de la réaction d’alarme réapparaissent et que des lésions organiques sérieuses sont possibles. Nous parlons ici des maladies dites de l’adaptation, les maladies psychosomatiques et les troubles psychologiques que nous décrirons maintenant. Dans les pires cas, la mort peut être l’aboutissement de tout le processus de détérioration.

Stress et réactions biologiques possibles

Pour se défendre, l’organisme a mis en œuvre toute une série de mécanismes ou de moyens de défense qui, s’ils ont le mérite de sauver les meubles, comme on dit, coûtent très cher en termes de dépense énergétique et d’usure de la machine humaine. En effet, toutes les réactions biochimiques décrites plus haut attaquent à leur tour le corps et entraînent des lésions. Certains problèmes sont maintenant reconnus comme étant déclenchés par le stress ou tout au moins réveillés par ce dernier en fonction d’une prédisposition. Tout organe fragilisé, prédisposé, peut en effet céder le premier à une forte tension, ce qui illustre le rapport certain existant entre le physique et le psychologique. On étudie ces maladies sous le vocable psychosomatique, c’est-à-dire qu’on leur reconnaît une composante psychologique. Elles n’en sont pas moins réelles, mais à moins de travailler sur l’ensemble des causes, la chronicité ou la récidive sont toujours possibles.

Au niveau biologique, le stress peut provoquer ou accentuer les problèmes suivants: l’hypertension artérielle, l’athérosclérose, les ulcères duodénaux et gastriques, la tension musculaire extrême, les troubles cardiaques, les colites, la constipation, la diarrhée, l’asthme et même certaines maladies du métabolisme telles que le diabète et l’hypoglycémie, les infections, les allergies et les problèmes de peau, le cancer, les maux de dos, l’arthrite et la prédisposition aux accidents. La liste est donc considérable. Malgré la divergence d’opinions des chercheurs, il ressort clairement de tout ce qui a été dit et écrit sur ces problèmes physiques, organiques ou mécaniques, que trois groupes de troubles sont directement associés à des états de stress intense : les maux de tête, de nuque et de dos, les ulcères d’estomac et du duodénum et l’hypertension artérielle.

Le stress entraîne, par voie de conséquence, d’autres difficultés davantage liées à l’aspect psychologique comme l’insomnie, l’irritabilité, le retrait et divers mécanismes de défense que nous explorerons plus loin. À la limite, on retrouve la dépression et la maladie mentale.

Comment affrontons-nous le stress?

Nous faisons tous face au stress. Nos moyens cependant diffèrent. Selon le niveau de conscience, nous utiliserons tel ou tel moyen. Leur utilité peut être temporaire (pour reculer l’échéance du vrai combat), entraîner des effets secondaires pernicieux ou au contraire nous libérer de façon constructive. Moins nous sommes conscients, plus il est probable que nous paierons le prix d’une technique qui soulage dans l’immédiat, mais qui à long terme sera sans doute fort coûteuse.

Nous traiterons d’abord des réactions défensives, qui sont très clairement de moins bonnes façons de s’adapter au stress. Loin de nous l’idée de condamner ceux qui y ont recours, souvent inconsciemment d’ailleurs, puisque ce sont souvent les seules qu’ils connaissent. Dans notre prochain article, nous tenterons d’augmenter le répertoire de moyens en proposant des approches plus actives et, par le fait même, plus responsables, constructives, efficaces, saines et définitives.

Les réactions défensives

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Certains comportements, comme prendre de l’alcool, de la drogue, des médicaments ou le jeu, visant à supprimer l’anxiété ou les états dépressifs, peuvent soulager à court terme et nous donner l’illusion de noyer le problème. Mais en général, un problème sait nager, s’accentue en vieillissant et devient plus résistant. Ces conduites, si elles aident à faire face au stress, entraînent souvent également un comportement social inapproprié et, de plus, l’alcool ou la drogue sert souvent alors de défaite pour expliquer les comportements non en accord avec les valeurs de l’individu. Le tout se solde dans un problème supplémentaire: la dépendance et ses effets de plus en plus nocifs sur la santé et les relations avec autrui.

Parmi les conduites sociales inappropriées générées par le stress, citons l’agressivité (en forte hausse d’ailleurs dans plusieurs milieux de travail), dont les effets bénéfiques sont de courte durée, car en général la violence est dans notre société un comportement inacceptable et inapproprié et elle augmente les risques de rejet et de conflits avec les autres. Éviter tout stress, se retirer du monde ou dans le monde de ses rêves ou de ses fantaisies peut dans l’immédiat nous permettre de refaire nos forces et nos énergies. Mais si cela se prolonge, nous nous retrouverons coupés de toute vie et de stimulations essentielles qui donnent un sens à l’existence. La névrose caractérisée par ce retrait physique ou émotionnel (perte d’intérêt pour tout ou à peu près) peut conduire à la confusion, à la dépression, à l’anxiété ou même au suicide.

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Mécanismes de défense psychologique

Une façon très subtile, et parfois nuisible, de contourner le stress, consiste à prendre une distance face à soi-même. C’est le raffinement dans la défense, car cette stratégie est à peine consciente et souvent pas du tout. Certes, dans l’immédiat les mécanismes de défense permettent de faire face, de s’adapter autant que de se défendre. À l’extrême, cependant, ils dénotent une forte mésadaptation, car ils coupent l’individu de lui-même.

  • La régression consiste à réagir de façon inappropriée à une situation, par exemple comme un enfant, ou à se réfugier dans un comportement ancien apte à soulager la tension. Par exemple, exploser dans une colère infantile, bouder, manger, boire, se ronger les ongles ou fumer pour se consoler.
  • Le déni consiste à nier la réalité, les faits, à faire semblant qu’il n’y a pas de problème, pas de risque, pas de maladie, pas de chagrin… (deuil non vécu).
  • Le refoulement consiste à enfouir dans l’oubli, inconsciemment, les pensées inacceptables.
  • La suppression, par opposition au refoulement, est consciente et nous permet éventuellement de ne pas toujours avoir présents à l’esprit tous les motifs que l’on pourrait avoir de se désespérer (par exemple les enfants qui meurent de faim, la torture dans le monde, les deuils successifs que nous avons subis). La suppression est adaptée, le refoulement ne l’est pas, car ce qui est refoulé continue de miner notre équilibre.
  • La rationalisation consiste à toujours se justifier pour éviter les blâmes d’autrui, les critiques, la culpabilité. C’est la conduite qui permet d’avoir toujours une bonne raison, d’avoir raison.
  • La formation réactionnelle permet de dissimuler nos vrais sentiments en exprimant souvent avec exagération le contraire de ce que nous ressentons. Elle permet à son auteur de nier avec tant de véhémence ses vraies émotions que souvent le récepteur se sent mal à l’aise et a l’impression qu’on le trompe (par exemple les gens trop gentils qui peuvent même manipuler ainsi les autres. Voir à ce sujet notre texte Comment reconnaître la manipulation et s’en préserver).
  • La projection sert à attribuer aux autres nos propres impulsions. Par exemple, une personne agressive, qui n’accepte pas son émotion, peut percevoir les autres comme étant eux-mêmes très agressifs à son endroit. Une personne en mauvaise santé qui se sent mal peut prétendre que les autres ont l’air fatigué.
  • L’intellectualisation est une sorte de détachement qui permet à son auteur de demeurer froid, distant, logique et très intellectuel dans une situation à forte charge émotive. Il se coupe de ses sentiments.
  • Le déplacement, lorsqu’il est inadapté, consiste à avoir la bonne réaction sur la mauvaise personne. Fait du déplacement, par exemple, l’individu qui se défoule sur son conjoint ou ses enfants de la rage éprouvée pour son supérieur, mais qu’il contient au travail jusqu’au retour à la maison.
  • Enfin, la sublimation est le dernier mécanisme qui, dans une certaine mesure, est moins nocif que les autres. Elle consiste souvent à transformer des impulsions inacceptables, en gestes nobles et admirables. Freud croyait que toute créativité artistique, toute profession hautement respectable cachaient la sublimation d’instincts plus sombres. Si elle est moins inadaptée que les autres mécanismes de défense, il n’en demeure pas moins qu’ici comme en toute chose, la vertu doit se trouver quelque part au milieu.

Comment alors s’en sortir?

Si souvent les premiers gestes d’adaptation nous échappent et sont presque automatiques, nous nous retrouvons aux prises avec des problèmes physiques bien concrets (gorge serrée, papillons dans l’estomac, boule, hyperventilation, fatigue musculaire), des difficultés psychologiques non moins concrètes (sentiments d’irréalité, tourments, abandon, sentiments de rejet, de culpabilité, susceptibilité), des problèmes moteurs (agitation ou au contraire léthargie fréquente) ou des maladies psychosomatiques que nous avons décrites, il n’en demeure pas moins qu’une ou des solutions très réalistes sont possibles. C’est ce à quoi nous nous attarderons dans le prochain article Faire face au stress: la maîtrise de sa vie.

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