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Art de vivre, Stress

L’histoire du roi qui prenait le temps de prendre le temps.

Marc Vachon, m.ps.

Vous pouvez prendre le temps pour lire une petite histoire ? Un coopérant au Burkina Faso, en Afrique, m’a raconté un des moments privilégiés de son séjour de quelques mois là-bas. Désirant depuis longtemps rencontrer le Roi qui habite dans le village où il travaillait, il eut l’opportunité de lui rendre visite et de lui être présenté.

Ce Roi vit loin de l’apparat et de l’opulence des grandes cours de ce monde, habitant une maison bien modeste que rien ne différencie de celle des autres habitants de son village. Pénétrant avec déférence dans la cour à l’arrière de l’humble demeure, il fut donc invité à s’asseoir juste à côté du trône. En fait, tout ce qu’il voyait devant lui, c’était deux vieilles chaises en plastique placées l’une à côté de l’autre. Après avoir échangé avec le souverain sur plusieurs sujets, celui-ci remarqua que notre ami portait un bracelet montre à son poignet. Il lui dit : « Toi, tu as une très belle montre. Mais moi, tu sais, j’ai le temps… »

Pas le temps de prendre le temps

Pendant les vingt dernières années, j’ai eu l’opportunité de visiter plusieurs centaines de milieux de travail et de rencontrer des milliers de travailleurs. Je ne peux que constater qu’une des phrases qui sort le plus souvent de la bouche des personnes croisées, comme de la mienne à une certaine époque, c’est « Je n’ai pas le temps de prendre le temps ». La vie étant ce qu’elle est, nous carburons en effet très souvent à l’urgence, avec parfois cette désagréable impression de passer à côté de quelque chose d’important.

Avec les années, la perspective du temps qui reste conduit aussi à de sains questionnements sur l’utilisation que l’on veut en faire. Comme le disait une personne âgée : « En vieillissant, on change ses adverbes. On utilise plus le maintenant que le plus tard. »

Mais prendre le temps pour faire quoi exactement? Pour faire ce que nous aimons vraiment? S’il faut croire les statistiques, c’est un luxe que peu de gens peuvent vraiment se payer dans leur travail. Et, même si nous savons que nous allons tous mourir un jour – le plus tard possible et en pleine santé, bien sûr – peu d’entre nous vont décider de tout laisser tomber et de recommencer, malgré le fait que ce choix difficile et déchirant est parfois celui qui s’impose quand on a le sentiment d’avoir fait fausse route. Dans ces conditions, que pouvons-nous nous souhaiter de mieux?

LIRE AUSS:  Où va votre temps? 7 minutes et demi pour y voir clair.

Probablement d’adopter l’attitude de tous ces gens qui, s’ils choisissent de faire avec, et c’est parfois ce qu’il faut faire, savent aussi prendre le temps de tirer plaisir des rapports humains qu’ils tissent avec des collègues retrouvés jour après jour sur le plancher de l’usine ou dans le bureau, pendant le lunch et à la pause. Des gens dont le travail est peut-être routinier et monotone, mais qui savent encore comment trouver leur satisfaction à le faire du mieux qu’ils le peuvent. Si leur situation n’est pas idéale, ils savent combien il peut être gratifiant de contribuer au bien-être des autres en consacrant du temps, par exemple, à améliorer la qualité de vie de leurs collègues ou tout simplement en posant des gestes de savoir-vivre au quotidien. Si leur travail n’est pas valorisé autant qu’il le mérite, et c’est un tort, ils continuent quand même à distribuer, à leur façon, un peu de cette reconnaissance si vitale en y allant de simples bonjour, bonsoir, merci qu’ils accompagnent d’un sourire qui fait chaud au cœur.

Peut-être êtes-vous, comme bien d’autres, dans une période très industrieuse de votre vie, occupé à éteindre pleins de feux en même temps, pris entre les exigences de votre vie au travail et celles de votre vie personnelle. Peut-être êtes-vous obligé ou avez-vous choisi de laisser votre emploi pour occuper d’autres charges. Peut-être êtes-vous un jeune travailleur qui doit faire ses preuves ou quelqu’un qui va bientôt prendre une retraite bien méritée. Nos défis sont peut-être différents, mais une chose est sûre : l’énergie pour les relever repose dans ces moments que nous prenons pour profiter des choses qui sont à portée de notre main. Et pour ça, nous devrions nous aussi prendre le temps.

En terminant, quelques paroles du regretté chansonnier québécois Sylvain Lelièvre:

Moi j’aime les choses inutiles
Les bonheurs tranquilles
Qui ne coûtent rien
Les couchers de soleil sur la ville
Les bibelots débiles
Les orchestres anciens
Le chant des bruants sur les fils
Les poissons d’avril
Tous ces petits riens
Qui nous rendent la vie moins futile
J’aime les choses inutiles
Qui nous font du bien

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