Tout repose sur la perception, entend-on souvent. Et dans bien des cas, nos perceptions sont des illusions qui nous induisent en erreur. Comme disait Bouddha, «Là où il y a des perceptions, il y a de l'ignorance» et très souvent, nos perceptions erronées entraînent de la souffrance.
Il importe donc de comprendre comment fonctionne la perception dans la vie de tous les jours, en relation avec les autres et, évidemment pour gérer nos propres attitudes en situation de changement.
Dans cet article nous allons parler de 3 filtres importants de la perception qui font que nous n'avons pas une vue juste de la réalité.
Notre carte du monde
Nos sens sont bombardés d’environ deux milliards de fragments d’informations à la seconde. Si l’on essayait de gérer ce flux de données, l’on deviendrait fou. Pour préserver notre santé mentale, nous devons donc sélectionner les informations entrantes avant que le cerveau ne procède à leur traitement. De plus, l'attention que nous accordons à un événement ou une situation donnée et le sens que nous lui donnons sont déterminés par plusieurs filtres: nos valeurs, notre éducation, notre culture, notre tempérament, nos croyances, etc. Nos perceptions sont toutes imprégnées de subjectivité. Ainsi, placez dix personnes différentes devant un accident, et vous aurez dix témoignages différents.
La manière dont nous nous représentons et interprétons la réalité constitue notre carte du monde unique (1) qui nous permet d'avoir notre propre compréhension de la réalité. Et elle est différente pour chacun. Nous avons chacun un point de vue différent sur la réalité. Le schéma plus bas illustre sommairement le trajet de la perception jusqu'au comportement.
Dans cet article, nous nous attardons à trois filtres différents, trois processus particuliers qu'il faut connaître quand on veut comprendre la perception, et particulièrement notre perception du changement: la généralisation, la distorsion et la sélection. Ils font en sorte que, devant la nouveauté d’une situation, nous avons naturellement tendance à appliquer un programme connu, plutôt que d’en chercher un plus adéquat, de façon à éviter la recherche dérangeante et parfois souffrante d’un nouvel équilibre. Voyons-les brièvement.
1- Perception du changement et généralisation
La généralisation permet d’étendre un nouvel apprentissage maîtrisé, lié à un événement du passé, à toute situation qui s’y apparente quelque peu. Par exemple, si vous avez appris le fonctionnement d’un clavier de type QWERTY (ou AZERTY selon le cas), vous n’aurez pas à refaire cet apprentissage à chaque fois que vous allez vous retrouver devant ce type de clavier. Vous allez généraliser cet apprentissage (qui est la référence) et retrouver tout de suite l’emplacement des touches là où vous vous attendez qu’elles soient. En un mot, vous êtes compétent. La généralisation nous épargne donc bien de l’énergie dans la gestion du quotidien. Mais elle peut aussi agir comme une limite importante.
Pour continuer notre exemple, imaginez que vous vous retrouviez plus tard devant un clavier de type AZERTY (ou QWERTY si vous êtes un habitué du QWERTY), sur lequel les touches ne sont pas placées au même endroit. La première réaction de votre cerveau face à cette situation nouvelle sera d’appliquer le programme qu’il connaît, de généraliser donc, mais sans nécessairement obtenir les mêmes résultats, puisque cette nouvelle situation requiert une nouvelle réponse de votre part. Vous pourrez même alors vous sentir incompétent.
Cette mécanique du cerveau rend plus difficile l'innovation et explique en partie la résistance au changement (sur la tension entre l'innovation et la compétence, voir Innovation et compétence: la vision tunnel Loi du ferré). Voilà une des limites de la généralisation.
Dans un autre ordre d’idée, imaginons une situation passée (la référence) où vous avez éprouvé des doutes sur vous-même face à la nouveauté (apprendre une nouvelle technique, une langue étrangère, parler en public, etc.). Avec le temps et la répétition, vous vous faites une opinion sur vous-même, vous développez même des croyances fortes sur vos capacités ou non à gérer ces défis. Pas étonnant alors qu’une situation nouvelle génère, par généralisation, ce même sentiment de doute en vous. La généralisation est aussi le mécanisme en action derrière les préjugés.
2- La distorsion
La distorsion est une autre façon de fonctionner de notre cerveau et elle a fort à voir avec l’imagination et la créativité. Prenons l'exemple de l’entrepreneur paysager qui imagine tout le terrassement et l’aménagement de votre terrain alors que vous, vous ne voyez qu’un tas de terre et de cailloux: il fait de la distorsion. Même chose pour l’enfant qui imagine un monstre à la fenêtre parce qu’il a vu le rideau bouger.
Amplifier ou minimiser l’importance de certains aspects de la réalité sont des processus créatifs. Mais ils peuvent également générer le pessimisme ou l’optimisme. On fait de la distorsion quand on exagère une conséquence possible d’un changement par exemple et qu’on étend cette perception à l’ensemble d’un changement envisagé. La rumeur est un bon exemple d’une conséquence possible ou imaginée qui va souvent susciter des états d’esprit négatifs qui se généralisent et qui, très souvent, n’ont aucun lien avec la réalité. Même si cela se passe dans l’imaginaire, la conséquence sur l’état émotif de la personne est la même car, rappelons- nous, le cerveau ne fait pas la distinction entre le réel et l’imaginaire.
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3- Perception du changement et sélection
La sélection (ou l’omission) consiste, comme son nom l’indique, à choisir dans l’expérience un aspect en particulier et à ignorer les autres qui nuanceraient à coup sûr ma perception. C'est ce qu'on appelle le focus de l'attention. Par exemple, je choisis d’accorder mon attention à un désavantage ou à un inconvénient ou au contraire à un aspect positif. Si je trouve que le climat de travail est infect, il y a de bonnes chances que je sélectionne tout ce qui confirme cette perception et que je rejoigne ceux qui s'en plaignent aussi et qui alimentent les derniers ragots, les derniers potins.
Si je crois que ça va mal dans le monde et que le pire est à venir, je vais sans doute me jeter en premier sur les mauvaises nouvelles. L’objectif de la sélection? Maintenir intacte ma carte du monde, la représentation que je me fais de la réalité. Et notre état d’esprit dépend en grande partie de ce à quoi l'on accorde notre l’attention, de ce que l'on sélectionne. Mais quand on en prend conscience, on peut changer volontairement le focus de son attention et, donc, changer son état d’esprit. Ne sous-estimons pas l’impact sur notre moral et, à fortiori, sur notre motivation, de ce à quoi nous prêtons attention.
Rappelons-nous, en terminant, que ces trois processus ont comme but de nous économiser de l’énergie, de nous protéger de la quantité infini d’information et d’appliquer un programme connu à une nouvelle situation, en espérant que ce programme sera aussi performant aujourd’hui que dans le passé. Mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
Et sans doute devons-nous toujours nous demander, face à nos interprétations de la réalité: Suis-je vraiment sûr de cela?
(1) Pour en savoir plus, voir Psychologie du changement: un livre pour vous faciliter la tâche