Par Pauline Dubois
Dans son bouquin intitulé Fous de l’Inde – Délire d’Occidentaux et sentiments océaniques, Régis Airault nous dévoile une facette de l’Inde qui nous est souvent complètement inconnue. Ce médecin et psychiatre français, qui a travaillé à Mumbai (Bombay) pendant des années, analyse dans ce recueil ce qu’il définit par le syndrome indien.
Plusieurs touristes occidentaux en voyage en Inde ont déjà fait l’expérience de ce mal indescriptible. Cet état de trouble psychique aurait pour principale cause le choc des cultures. Si beaucoup craquent et ne s’en remettent carrément jamais, pour d’autres en revanche les manifestations s’arrêtent dès qu’ils sont de retour dans leur pays. Mieux encore, ces derniers gardent un meilleur souvenir de leur périple et désire encore entamer un autre voyage sur le sol indien.
Manifestations du syndrome de l’Inde
L’existence de ce syndrome tendrait à vérifier l’affirmation de l’écrivain italien Antonio Tabucchi qui écrit : «En Inde beaucoup de gens se perdent… c’est un pays qui est fait exprès pour cela.» (in Nocturne indien, p. 26)
Ce mal est associé à une perte de repères et à une vacillation de l’identité. Bouffées d’angoisse, tristesse profonde, crise de panique, les voyageurs occidentaux font face à des symptômes inexplicables dès leur arrivée sur le sol indien. Des hallucinations, mais aussi un sentiment de peur indéterminé peuvent venir s’ajouter à tous ces maux. Les voyageurs se trouvent déstabilisés par la vision de la pauvreté dans laquelle se trouve le pays. Tout peut avoir raison du touriste lorsqu’il débarque en Inde, l’immense fossé culturel se faisant lourdement ressentir.
Il en résulte dans certains cas un sentiment océanique. Leur expédition tourne alors en une recherche de leur moi intérieur et leur parcours tend à se centrer sur une quête de la spiritualité.
Si la plupart de ces personnes se rétablissent lorsqu’elles retournent chez elles, d’autres ne s’en remettent pas aussi bien et doivent se faire aider. Chose incroyable, certaines personnes qui ont vécu ce bouleversement émotionnel développeraient une certaine nostalgie de l’Inde et ne cherchent alors qu’une chose: y retourner.
Un témoignage troublant
Mélanie, jeune étudiante en préparation d’un Master 2 en droit social nous fait part de l’expérience qu’elle a vécue, alors qu’elle se trouvait en Inde pour effectuer un stage pour une ONG locale.
Durant mon séjour, j’ai tout le temps eu l’impression de suffoquer. Ce n’est pas la première fois que je quittais la France pour voyager à l’étranger. Pourtant, ce sentiment de dépaysement m’était totalement inconnu lors de mes voyages précédents. Je n’arrivais pas à me connecter avec ce monde, ces bruits, ces odeurs. Ce projet me tenait vraiment à coeur, mais à peine étais-je arrivée sur place que tout mon enthousiasme s’était évaporé! Je n’avais qu’une envie: retourner chez moi. Mon excitation du début a laissé la place à une crise de panique intense. Je n’arrive toujours pas à définir cette sensation étrange de peur et de rejet que j’avais développée. Je ne voulais plus sortir de ma chambre d’hôtel et devoir me confronter au monde extérieur. Finalement, j’ai pu repartir en France, ma famille ayant été alertée par mon responsable de stage, qui s’est montré compréhensif à mon égard. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait face à une jeune Parisienne qui perdait tous ses repères là-bas en Inde. Il ne trouvait aucune explication à ce mal, mais il ne faisait rien pour nous retenir, ayant peur que les choses ne s’aggravent encore plus si nous restions trop longtemps dans le pays.
D’autres syndromes du voyageur
D’autres types de syndromes ont déjà été mis en évidence au cours de l’histoire. Le syndrome de Stendhal, communément appelé syndrome de Florence, touche des personnes qui, confrontées à une surabondance d’œuvres d’art, ont des crises de folie face à ces tableaux de maîtres et tendent à remettre en cause leur conception artistique. Ces toiles leur inspirent une sorte de fascination morbide et elles demeurent sidérées dans la contemplation de ces œuvres sublimes.
Il en est de même pour le syndrome de Jérusalem qui frappe, quant à lui, les croyants en pèlerinage dans la Ville Sainte. Les pèlerins atteints de cet état de délire tendent à se considérer comme le Messie, et on parlera alors de délire messianique.
Le syndrome de Paris, lui, touche surtout les touristes japonais, qui, ayant une vision et une conception idylliques de la Ville lumière, sont déçus par la réalité au cours de leur visite.
Comment éviter cet état de délire psychotique
Certes, notre but est avant tout de faire connaître ce mal mystérieux qu’est le syndrome indien et non pas de dissuader les personnes qui cherchent à partir en voyage en Inde. N’oublions pas que même si un voyage en Inde peut «rendre fou» une personne saine, beaucoup de gens se rendent dans ce pays fabuleux pour y chercher quant à eux un repère et un sens à leur vie. Mais comme ce sera le cas pour chaque destination, il faut le temps de s’acclimater et d’entrer en phase avec le pays d’accueil.
Avant de partir en voyage sur le sol indien, il est préférable de connaître ses propres limites et de tout prévoir pour une aventure dans ce pays empreint de mysticisme et de spiritualité. Que l’on soit du genre indépendant et aimant les voyages en solitaire ou bien davantage habitué au confort, il est préférable d’avoir un guide dès le débarquement lors d’un séjour en Inde. Car, comme nous l’avons souligné auparavant, c’est surtout le choc culturel qui fait défaillir le touriste.
L’apparition de ses symptômes peut témoigner d’une certaine fragilité psychologique qui ne se manifeste qu’une fois confronté à un milieu hostile, loin de ses habitudes propres, lorsque la personne se trouve face à la différence de culture, un véritable fossé. Cette personne devra alors éviter de rester seule lorsqu’elle débarquera en Inde, entrer en contact avec des gens qui sauront lui faire découvrir les merveilles de ce pays, qui lui feront oublier les côtés négatifs ou qui l’aideront à avoir un œil nouveau sur ces mêmes points. Car il est plus facile de sombrer dans un état dépressif si on n’est pas en phase avec le pays d’accueil.
Le voyageur pris par des sensations d’angoisse et de panique à son arrivée ne doit pas avoir honte de les partager avec ses amis proches et sa famille, sachant que même dans un pays pauvre comme l’Inde, il aura toujours accès aux réseaux sociaux qui lui permettront de rester en contact et d’échanger avec eux ses impressions. S’il ne tient plus le coup, il doit se faire aider et accepter les soutiens qui lui sont offerts pour ne plus rester prostré dans un état de léthargie et d’impuissance.
Un voyage ne se fait pas de but en blanc, ça se prépare. L’Inde est un pays hors du commun, certes, mais il n’en possède pas moins des inconvénients. Le meilleur moyen pour ne pas se sentir dépaysé, c’est encore de faire des recherches sur Internet et de lire les avis échangés sur les forums de voyages. On y trouve plusieurs expériences personnelles qui nous donneront un avis général sur l’endroit où l’on se rend, les bons côtés, mais aussi les aspects plus négatifs du pays.
Pauline Dubois est passionnée de voyages et de découvertes. Elle aime partager ses expériences avec toutes les personnes qui planifient un voyage dans les parties du monde qu’elle a déjà visitées. «Tous ces périples m’ont permis d’en apprendre un peu plus sur chaque pays, les bons et les mauvais côtés. Mais les pires souvenirs de voyage que j’ai vécus ne m’empêchent pas de rêver à de nouvelles explorations vers des horizons encore plus lointains.»