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Santé mentale, Stress

Dépression: comment accompagner son conjoint

Marie Bérubé, M. Psychologie

La dépression d’un de ses membres est toujours déstabilisante pour la famille, pour le conjoint particulièrement. Bien que ce dernier puisse être d’un grand secours pour l’autre, il se demande parfois comment aider et surtout comment ne pas nuire. Certaines attitudes sont à éviter, mais d’autres sont vraiment aidantes.

Contenu de l’article:

  • La dépression se soigne
  • Le rôle du conjoint
  • Quelques indices de la dépression
  • 5 attitudes à proscrire
  • 10 attitudes aidantes

La dépression se soigne

La dépression est une condition largement sous-diagnostiquée, sous-traitée, et quand elle l’est, c’est souvent de façon incomplète. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime pourtant qu’en 2020, la dépression sera la deuxième cause d’invalidité mondiale, derrière les maladies cardiovasculaires. Beaucoup de préjugés, de croyances négatives, d’informations erronées empêchent les gens de consulter et les vouent à la récidive quand ce n’est pas à la chronicité. Pourtant, nous savons maintenant que la dépression est une maladie qui se soigne et se guérit. Nous savons aussi qu’un premier épisode dépressif traité va très souvent se conclure par une rémission complète.

Dans l’état actuel de la science, nous reconnaissons maintenant la nécessité d’une médication sur une certaine période de temps, médication d’autant plus efficace qu’associée à une psychothérapie. Ainsi se trouve rapidement améliorée la qualité de vie du malade, sa capacité de maintenir une activité normale à divers plans et une diminution du recours à des soins plus onéreux tel que l’hospitalisation. 85% à 90% des patients répondent ainsi positivement au traitement associant médication et psychothérapie.

Le rôle du conjoint

Il va de soi que le rôle du conjoint peut être déterminant dans la poursuite des objectifs. Cependant, il doit connaître les attitudes qui seront plus néfastes qu’aidantes. Il faut savoir, d’abord, qu’il existe de multiples formes de dépressions liées à des causes fort différentes et parfois fort complexes. Seul un professionnel est à même d’établir les distinctions nécessaires. C’est une responsabilité qui dépasse les compétences du conjoint, ne serait-ce que parce qu’il est lié émotionnellement à la personne déprimée.

En fait, les dépressions peuvent être causées par des facteurs génétiques, environnementaux, par des déséquilibres chimiques au niveau du cerveau, par des causes professionnelles, personnelles ou même familiales. S’il s’agit de problèmes conjugaux ou familiaux, le conjoint est davantage partie prenante que soutien.

Quelques indices de la dépression

Puisque seulement un dépressif sur quatre consulte de lui-même, il arrive que ce sont souvent les autres qui remarquent les premiers symptômes. En fait, tout changement persistant, durable dans les habitudes de vie peut servir d’indices. La présence de cinq éléments parmi les suivants sur une durée d’au moins 2 semaines peut être révélatrice :

  • modification de l’humeur dans le sens d’une profonde tristesse;
  • perte d’intérêt pour les activités préférées, pour la sexualité;
  • problèmes d’appétit, en plus ou en moins, tout comme variations du poids;
  • problèmes d’insomnie, réveils fréquents pendant la nuit;
  • agitation, énervement pour des riens (larmes) ou, au contraire, ralentissement psychomoteur;
  • attitude agressive inhabituelle ou grande irritabilité.
  • expression de sentiments de culpabilité, baisse d’estime de soi, dévalorisation;
  • difficulté à se concentrer, pertes de mémoire, difficulté à prendre des décisions;
  • idées noires, pessimisme, idéations suicidaires;
  • douleurs physiques diverses.
  • fatigue importante ou une perte d’énergie.
  • maux de tête,  douleurs au ventre ou au dos.

Or, plus la prise en charge est précoce, plus le pronostic est favorable. Comment alors convaincre une personne de consulter si elle ne le fait pas d’elle-même? Il reste à la persuader, ce qui ne sera pas toujours facile. Mais avant d’aborder le rôle du conjoint comme accompagnant, précisons que celui-ci doit se sentir la force de soutenir son conjoint. Dans un premier temps, il est donc important de prendre conscience de son propre état émotionnel. Si la condition de l’autre induit de la détresse chez le conjoint, il ne pourra pas être d’une aide véritable. Dans ce cas, ce dernier aura sans doute intérêt à consulter lui-même. Dans le cas contraire, il doit agir sans nuire.

Cinq attitudes à proscrire

  • Ne jamais banaliser l’état de la personne dépressive ou pire le nier. S’il est bien de communiquer ses propres émotions, il faut éviter de les teinter de reproches concernant, par exemple, les conséquences sociales de la maladie – «On ne voit plus personne…» – financières – «Nos dettes vont s’accumuler…» – ou professionnelles – «Tu vas perdre tes chances de promotion…».
  • Éviter d’inviter l’autre à prendre sur lui, à se ressaisir, à se servir de sa volonté. Ces façons de faire le culpabilisent davantage et accentuent sa conscience de ses faiblesses ou de ce qu’il perçoit comme tel. Il risque de se replier davantage sur lui-même et de perdre confiance en son conjoint.
  • Se garder de décourager l’autre personne et d’invalider ses choix, même s’il est difficile de compatir lorsqu’on est soi-même inquiet. Par exemple, lui dire de ne pas prendre ses médicaments parce qu’on est contre, par crainte ou par ignorance. Invalider les initiatives de l’autre minera sa confiance en lui-même.
  • Pour amener la personne à consulter, la dernière chose à faire est de procéder par surprise et de lui répéter de se faire soigner. Il est préférable de s’intéresser à sa souffrance, d’écouter la plainte et de lui faire comprendre que ses malaises sont inutiles, qu’elle souffre inutilement, qu’il vaudrait mieux y remédier. On peut lui proposer de l’accompagner chez le médecin. Certes, elle peut se faire prier et pourra insister sur le fait qu’elle peut s’en sortir seule, que cela va passer. Mais le risque est grand de voir la dépression s’aggraver et s’éterniser. Il faut donc insister et, si elle refuse, lui proposer une rencontre avec son médecin traitant habituel en prenant prétexte de ses maux physiques (manque d’énergie, douleurs dorsales…).
  • Éviter de parler de psychologie ou de psychiatrie avec l’autre. Cela peut en rassurer certains, mais cela peut aussi effrayer ou révolter.

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Dix attitudes aidantes

Lors de la visite chez le professionnel de la santé, le conjoint aidant sera perçu comme tel et sera éventuellement amené à jouer un rôle à toutes les étapes du processus. Il constitue une précieuse source de renseignement pour le médecin et pourra contribuer à la bonne marche du traitement. Il sera ainsi informé sur la maladie, son traitement et son évolution. Certaines de ses attitudes seront très aidantes.

  1. Écouter. La plus grande qualité d’un aidant, qu’il soit professionnel ou naturel, est sa capacité d’écoute. L’écoute véritable, sans jugement ou évaluation, est la base de tout processus de guérison. Ainsi, la personne aidée se sentira acceptée telle qu’elle est. Elle pourra exprimer ses émotions et retrouvera plus tôt son état habituel, n’ayant ni à se cacher, ni à se défendre.
  2. Rassurer. On peut aussi rassurer la personne, lui faire remarquer ses progrès, la remettre en contact avec ses forces, ses ressources. Elle aura parfois besoin qu’on lui fasse voir l’autre côté des choses, des évènements fâcheux, qu’on lui fasse remarquer ce qui est beau, ce qui est bien et bon dans tout ce qui l’entoure.
  3. Garder le contact. On aura intérêt à garder et à favoriser le contact avec les amis de la personne déprimée, même si parfois elle sera tentée de s’isoler.
  4. Encourager à bouger. Il est primordial de l’encourager à faire de l’exercice, quitte à en faire avec elle pour la stimuler. En effet, bouger libère des endorphines et de la sérotonine, hormones naturelles qui contribuent à diminuer la tension, les douleurs et à atténuer les sentiments dépressifs. L’exercice favorise une certaine valorisation, très utile dans le processus de reconstruction de l’estime personnelle. Jouer avec les enfants, se donner du temps pour vivre des expériences plaisantes, se retrouver en tant qu’amoureux, se promener à pied ou à bicyclette, jardiner, cuisiner, sortir, ne sont que quelques suggestions qui aident à bouger.
  5. Le répit. La dépression peut s’accompagner d’une sensation d’épuisement constant et de difficultés à faire face aux tâches quotidiennes. Il peut s’avérer nécessaire de libérer la personne dépressive de certaines responsabilités, et parfois accepter qu’elle quitte temporairement le foyer dans le but de se ressourcer. En offrant des périodes de répit, en adaptant ou en déléguant certaines responsabilités, on permet à la personne dépressive de se concentrer sur son rétablissement sans la pression des obligations habituelles. Et si un changement d’environnement peut être bénéfique, on peut permettre à la personne dépressive de quitter temporairement le foyer pour se ressourcer, par exemple en séjournant chez des proches ou en prenant un court séjour. Cela peut offrir une pause salutaire pour se concentrer sur le rétablissement. Mais il est important de réévaluer régulièrement la situation pour voir comment la personne dépressive réagit et si d’autres ajustements sont nécessaires.
  6. L’alimentation. Ne pas négliger la nutrition. L’alimentation ne mettra pas fin à une dépression, mais on peut éviter de l’aggraver par de bons choix alimentaires. Mais on peut aussi prévenir une rechute par de bons choix. Un spécialiste pourra sans doute aider à établir un régime approprié, mais disons simplement que certains aliments aident à combattre la fatigue, l’irritabilité, la nervosité, l’anémie, les problèmes de mémoire et d’insomnie, de même que le manque de résistance au stress. Ce sont les aliments riches en magnésium (amandes, noix et noisettes, chocolat), en fer (viandes rouges, légumes verts, moules), en acides gras oméga-3 (poissons gras) et en vitamines du groupe B (céréales complètes, huiles végétales, légumineuses).
  7. Équilibre. Soutenir un conjoint dépressif peut être épuisant émotionnellement et physiquement. Cependant, le conjoint aidant doit se rappeler de trouver un équilibre entre le soutien apporté à son partenaire et la préservation de son énergie et de sa santé mentale. Le conjoint qui supporte l’autre se doit d’être à l’écoute de lui-même et de mettre ses propres limites. Cela suppose d’être à l’écoute de ses propres émotions, de reconnaître, s’il y an lieu, sa fatigue, sa frustration ou son anxiété. C’est ce qui va lui permettre de réagir de manière appropriée et de prendre des mesures pour se recharger. De plus, partager les responsabilités avec d’autres membres de la famille ou amis peut alléger le fardeau émotionnel. Parfois, ce sera nécessaire, voire essentiel, pour l’aidant e chercher un soutien extérieur, que ce soit auprès de professionnels de la santé mentale, de groupes de soutien ou même d’amis proches pour partager ses propres sentiments et expériences.
  8. Suicide. Il est crucial de reconnaître les signes de détresse émotionnelle sévère, tels que des paroles ou des actions indiquant des pensées suicidaires, un isolement accru, ou des changements marqués dans le comportement ou l’humeur. Si la situation est extrême et urgente et qu’il est question de suicide, agir rapidement est vital. Il ne faut pas hésiter alors et appeler un organisme offrant de l’aide aux gens qui ont des pensées suicidaires ou à leurs proches pour une intervention immédiate (voir quelques ressources à la fin de ce texte). Maπs même en contactant des professionnels pour une intervention immédiate, il est important de rester avec la personne en détresse, d’écouter sans jugement et de lui offrir un soutien émotionnel pour calmer la situation jusqu’à l’arrivée de l’aide professionnelle.
  9. La thérapie. Cela peut être délicat, mais on peut encourager le conjoint à la thérapie :elle offre un espace sécurisé pour explorer les émotions et les pensées. Encouragez la participation à des séances individuelles ou familiales, car cela peut fournir des outils pour faire face à la dépression et renforcer les compétences en gestion du stress.
  10. En résumé: patience et présence. La guérison de la dépression est souvent un processus lent. D’où l’importance d’être patient, persévérant et de soutenir votre conjoint tout au long de ce processus. Offrez une présence chaleureuse et attentive sans presser votre conjoint à se sentir mieux immédiatement. Parfois, juste être là et écouter peut être d’une grande aide. Évitez de juger ou minimiser les émotions de votre conjoint. La validation et l’acceptation de ce qu’il ressent, sans jugement, créent un espace sécurisé pour s’exprimer librement.

Certes, la dépression d’un membre de la famille affecte tous les autres. Mais c’est encore dans un effort commun de communication et de solidarité qu’on peut rapidement s’en sortir tout en prenant soin de chacun. De plus, l’implication des êtres chers contribue à diminuer les risques d’éclatement de la famille si fréquents à long terme lorsqu’il n’y a rien de concret de fait. En terminant, n’hésitez pas à partager cet article si vous croyez qu’il peut être utile à quelqu’un.

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Note: Article et liens mis à jour le 17 novembre 2023

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