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Estime-de-soi, Rêves et réussite

L’amour de soi: passeport pour une vie satisfaisante

Marie Bérubé, M. Psychologie

L’amour de soi est essentiel à notre développement harmonieux. Il faut d’ailleurs remonter très loin dans notre histoire personnelle pour retracer les bases de l’amour de soi.  En effet, ce sentiment de notre valeur personnelle et de notre importance en tant qu’être humain s’enracine dans les toutes premières expériences que constituaient l’amour des parents, la sécurité affective, le contrôle et l’autonomie dont nous disposions alors.

L’amour de soi s’est tissée aussi autour de nos réussites et des compétences développées, principalement pendant les premières années de la scolarité et aussi, bien sûr, avec nos expériences professionnelles et personnelles d’adulte. L’estime de soi est un des facteurs les plus pointés du doigt, en psychologie, en ce qui a trait à l’épanouissement d’un individu et la plupart des problèmes de santé mentale sont plus ou moins liés à une perte ou à une absence d’estime de soi. En période de changement, alors que le stress est plus que jamais dans le décor, l’amour de soi est grandement sollicitée et menacée.

Nous essaierons ici de prendre conscience des différentes sources d’estime de soi dans notre vie personnelle, de répertorier différents moyens pour gérer notre vie et améliorer le sentiment de notre valeur, et de nous motiver à les appliquer activement. Ainsi que nous le verrons, l’épanouissement passe par l’amour de soi, le fait d’être en contact avec ses habiletés, ses ressources, la capacité d’entretenir avec les autres des relations satisfaisantes et la possibilité de satisfaire ses valeurs en avançant vers des buts significatifs et satisfaisants.

L’estime de soi

L’estime de soi est un besoin d’ordre supérieur, tout comme s’épanouir, s’actualiser. Selon le psychologue Abraham Maslow (1), pour qu’un tel besoin se manifeste, il faut que les besoins d’ordre inférieur soient comblés (voir ​plus bas: Pyramide des besoins).

Par exemple, si les besoins physiologiques ne sont pas satisfaits, de même que les besoins de sécurité et les besoins d’amour, le besoin d’estime de soi n’émergera même plus. De même, le besoin d’actualisation, de réalisation de son potentiel et d’accomplissement de soi sera inaccessible si le besoin d’estime de soi n’est pas satisfait. Maslow définit le besoin d’estime de soi comme le besoin de réussir ce qu’on entreprend, d’être compétent, de se respecter et d’être respecté.

​Ce que je fais – Ce que je suis

Soulignons tout d’abord le lien entre l’identité et l’estime de soi. Fréquemment, nous confondons l’identité (ce que je suis) et la compétence (ce que je fais). C’est ce que nous voyons chez ceux qui se définissent tellement par leur travail, par ce qu’ils font, qu’un changement dans celui-ci est une atteinte directe à leur identité. La nuance entre être et faire est très importante. C’est très différent de dire Je suis incapable que d’affirmer Je n’ai pas la capacité de. Dans le second cas, on sous-entend au moins une possibilité de l’acquérir.

L’identité permet de comprendre que tout au long de notre vie, malgré les changements apparents, nous demeurons toujours la même personne, même si parfois la perception que nous avons de nous-même change et fluctue énormément selon nos expériences et les bouleversements qui arrivent. C’est ce qui fait parfois dire aux gens âgés qu’ils sont la même personne à l’intérieur, malgré le vieillissement.

Toute cette confusion entre l’identité et la compétence relève de nos premières expériences. Un enfant qui vient au monde a une valeur en soi, avant même qu’il n’ait accompli quoi que ce soit. Il ressent habituellement l’amour inconditionnel de son parent.

Qui de nous n’a pas entendu de sa progéniture cette réflexion ingénue à un compliment «Tu dis ça parce que t’es ma mère…» Cette reconnaissance de notre valeur est un cadeau, un cadeau de naissance diront certains auteurs (2).

Ce qui n’a pas empêché nos parents et professeurs de nous récompenser aussi pour nos actions, nos progrès de tout ordre, nos résultats scolaires, nos réussites sportives ou autres. Ce n’est pas parce qu’un enfant pourrait interpréter cela comme de l’amour conditionnel qu’il faudrait s’empêcher de souligner les actions qui le mèneront vers ses buts.

Mais c’est par ces renforcements positifs ou négatifs pour nos bonnes ou nos mauvaises actions que nous avons développé cette habitude de nous identifier davantage à ce que nous faisons et à ce que nous savons, d’où la confusion qui s’ensuit quand nous sommes touchés à ce niveau. En tant qu’adulte, je dois faire la différence et ne pas oublier que Ce que je fais et Ce que je sais est différent de Ce que je suis.

Les sources de l’amour de soi

L’amour de soi vient de plusieurs sources. D’abord, nous nous aimons lorsque nous nous accomplissons, c’est-à-dire lorsque nous retirons plaisir et satisfaction des buts que nous nous sommes fixés, en autant que ces buts soient réalistes et accessibles. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin.

Le pouvoir exercé dans notre vie et la capacité de détenir une certaine influence sont d’autres sources reconnues d’amour de soi. Avoir et exercer sa responsabilité est un exemple. Lorsque l’environnement, les autres nous reconnaissent et nous valorisent, nous ressentons également une hausse d’estime de soi, plus particulièrement lorsqu’une telle reconnaissance vient de personnes significatives.

amour de soi

​ Figure 1: Pyramide des besoins de Maslow

Pourtant, il y a des personnes qui, contre vents et marées, continuent d’entretenir de telles attentes irréalistes, qui ne seront contentes d’elles-mêmes que lorsque ce supérieur en particulier, et lui surtout, reconnaîtra leur travail. Enfin, pouvoir se permettre d’agir selon ses valeurs, percevoir en tout temps son intégrité personnelle donc, est une autre source inestimable d’amour de soi.

Par contre, il est important de remarquer que nous n’avons pas vraiment de contrôle sur cette reconnaissance et, bien qu’il soit légitime de souhaiter la recevoir, ce n’est pas toujours possible ou réaliste de l’attendre. Parfois même, le prix à payer est exorbitant en termes d’efforts et de temps. Si, par exemple, vous avez un supérieur qui a plus l’habitude de souligner ce qui ne va pas que ce qui fonctionne et que vous attendez qu’il vous félicite ou reconnaisse les nombreux efforts que vous faites, vous risquez d’être déçu dans vos attentes.

​Un exercice révélateur

Un simple exercice peut nous permettre de prendre conscience de vos sources personnelles d’amour de soi. Installez-vous confortablement et revenez dans le temps, en esprit, à une occasion où vous avez fortement ressenti le sentiment de votre propre valeur. Prenez le temps de bien identifier ce qui se passe, les gens qui sont là, ce qu’ils disent, ce que vous vous dites intérieurement, ce que vous ressentez. Puis, trouvez une deuxième et une troisième occasion de ce type et entrez bien en contact avec elles, comme si vous y étiez vraiment. Si vous le pouvez, prenez le temps d’écrire quelques mots sur ces expériences. Demandez-vous ensuite de quoi dépend le sentiment de votre valeur dans ces expériences. Est-ce qu’il dépend:

  • du jugement des autres sur ce que vous êtes ?
  • du jugement des autres sur ce que vous faites ?
  • uniquement de vous par rapport à ce que vous êtes ?
  • uniquement de vous par rapport à ce que vous faites ?
  • du respect de vos valeurs?
  • de votre avoir (possession, diplôme)?
  • du sentiment d’accomplissement ?
  • du pouvoir, du contrôle que vous exercez?
  • des responsabilités que vous avez?
  • de votre savoir?

Avec ce simple exercice, vous pouvez immédiatement prendre conscience de vos règles personnelles pour éprouver l’estime de vous-même. Il conviendra parfois de diversifier nos sources, parfois de changer notre critère de vérification, parfois même de faire le deuil de certaines attentes irréalistes. Nous y reviendrons lorsque nous parlerons plus loin de la poursuite de buts satisfaisants.

Pour le moment, pourquoi ne pas songer à investir dans une autre sphère de votre vie si, par exemple, professionnellement, la reconnaissance est moins présente? Pourquoi ne pas trouver un autre domaine pour exercer une compétence, dans un loisir par exemple ou une implication communautaire ou que sais-je encore? Car il est primordial de soigner et d’entretenir ce moyen puissant d’apprécier et de contrôler sa vie.

S’aimer soi-même

Il y a un lien très étroit entre l’amour de soi et la capacité de bien gérer les changements dans notre vie, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel. Détenir plus d’outils permet de traverser sans trop de heurts les périodes où déséquilibre et insécurité viennent nous menacer.

Pour améliorer sa vie, il faut aussi croire qu’on le mérite. Avoir une bonne estime pour soi suppose en effet que l’on se fasse confiance, que l’on croie dans sa capacité d’apprendre, capacité présente dès le départ dans notre vie et dont personne n’est complètement dépourvu.

Être compétent est fort différent de tout savoir. Une personne qui a une perception positive d’elle-même ne remet pas en question sa valeur. Par le fait même, elle reconnaît aussi qu’elle a les capacités d’acquérir les connaissances qu’elle n’a pas. Elle accepte également parfois qu’il y ait des conflits à l’intérieur d’elle. Comme elle fait des choix, elle accepte aussi la responsabilité de ces choix et les conséquences qui en découlent. Elle reconnaît également aux autres leur importance.

Elle est persuadée de sa capacité d’apporter aux autres une contribution importante et positive. Cette confiance de base lui permet de réfléchir et de développer des croyances aidantes sur elle-même, sur les autres, sur la vie en général. Plus elle réfléchit et prend conscience de sa valeur personnelle, indépendamment de qu’elle fait, plus elle agit en accord avec sa réflexion et son jugement. (3)

La reconnaissance des autres et l’amour de soi

Il est clair qu’un des besoins humains les plus importants, et dont plusieurs d’entre nous sont frustrés, est la reconnaissance. Pourtant, s’il est un besoin dont la satisfaction est hors de notre contrôle, c’est bien celui-là. Surtout si nous entretenons toujours l’espoir irréaliste, il faut le dire, d’être reconnu de tous, ce qui constitue une généralisation, ou d’être reconnu d’une personne en particulier, ce qui est une sélection.

Il convient parfois de se poser les questions suivantes:

  • Est-ce possible?
  • Est-ce réaliste?
  • Est-ce que cela en vaut vraiment la peine?
  • Quel sera le coût d’une telle ambition? Est-ce que cela m’apportera vraiment ce que je désire?

Même s’il est légitime de souhaiter être apprécié, ouvertement reconnu, aimé, faire reposer son estime de soi ou son épanouissement sur une telle base est une attitude très risquée.

D’où l’importance de trouver d’autres sources de valorisation ou d’aller chercher cette reconnaissance auprès d’autres personnes ou dans d’autres expériences. Avec des amis, par exemple, des collègues ou dans la famille plutôt qu’auprès de nos patrons ou des bénéficiaires de nos services ou inversement.

Recréer le réseau social est certainement une bonne source de valorisation. Quand on agit comme un soutien pour autrui, on favorise aussi le retour vers soi lorsque le besoin s’en fait sentir. Dans les professions où le service à autrui constitue l’essentiel du travail, il est indispensable de mettre des balises. Il est très facile d’aller au-delà de ses limites et de sacrifier aux autres ses intérêts et son propre épanouissement. C’est d’ailleurs une composante bien connue de l’épuisement professionnel (burn-out).

En situation de stress, surtout quand un des objectifs de notre mission est de réconforter autrui, de l’outiller, de l’assister, de l’instruire, de le soigner, il est très tentant, et très humain, de mesurer le résultat de notre action dans les changements observés chez l’autre et même parfois d’attendre de la reconnaissance.

Cependant, il est préférable de ne pas oublier aussi la responsabilité de l’autre dans le but poursuivi. Les autres, qu’ils soient clients, patients, étudiants, ou bénéficiaires, n’ont pas nécessairement les mêmes perceptions que nous, les mêmes motivations, la même conscience, les mêmes objectifs. Faire reposer son estime de soi uniquement sur la réussite selon nos propres critères constitue une entreprise périlleuse.

Dans toute mission d’aide à autrui, il y a une partie du problème qui est dans les mains de l’autre. Mieux vaut sans doute changer notre critère ou, encore une fois, chercher ce type de satisfaction professionnelle dans l’un ou l’autre des autres secteurs de notre vie.

S’investir dans des buts significatifs

De temps en temps, il peut être très utile de réviser nos objectifs, d’examiner s’ils sont toujours pertinents, réalistes et satisfaisants. Tous conviennent qu’il est préférable de ne pas adopter des objectifs par erreur. Nos buts doivent bien être les nôtres, c’est-à-dire conformes à nos valeurs (à ce sujet, lisez le chapitre 6 L’impact des valeurs sur vos choix et vos décisions, p. 107 dans Oser changer: mettre le cap sur ses rêves). En effet, ce sont nos valeurs qui donnent un sens à notre vie et c’est lorsque notre vie est conforme à celles-ci que nous nous sentons le plus cohérent.

En grandissant, en vieillissant, nos convictions profondes se sont raffermies et souvent différenciées, du moins en partie, de celles de notre entourage. Si, enfants, nos choix étaient normalement influencés par ceux de nos proches, il peut arriver qu’il en soit encore ainsi aujourd’hui.

Nos valeurs étant personnelles, nos buts devraient nous appartenir en propre et non être dictés ou influencés par les valeurs d’autrui pour leur être agréables, que cet autrui soit un supérieur ou une entreprise ou un conjoint. Il est instructif d’essayer de répondre à la question Que se passerait-il si je ne faisais plus ceci ou cela? en réponse à tous les Je dois et Il faut.

D’autre part, il convient aussi de vérifier si les buts que nous poursuivons valent vraiment la peine de l’être. En effet, pourquoi perdre de l’énergie à poursuivre un objectif que nous avons déjà, ce qu’on nommait si justement plus haut les cadeaux de naissance : être ou exister, avoir de la valeur, être capable d’apprendre, de communiquer, d’influencer…

Tout ce qu’il y a à apprendre en ces domaines, ce sont des savoir-faire. Or, tout cela s’apprend, de même que toutes les autres qualités comme, par exemple, le tact, le sens e la répartie, l’humour, etc. Il est très paralysant d’entretenir la croyance que ces capacités sont des dons. Mais encore plus essentiel, pourquoi ne pas réviser notre gestion de nous-même à travers ce que nous faisons de notre temps, cette denrée si précieuse, qui s’écoule inexorablement et dont nous ne connaissons pas la durée qui nous est impartie.

Si tout le monde s’entend sur les vertus de l’équilibre, il n’est pas toujours aisé d’en fixer les conditions. Nous planifions parfois nos journées, voire nos semaines, à l’aide de listes. La plupart d’entre nous n’allons pas au-delà de quelques semaines ou peut-être quelques jours. C’est ce que nous pourrions qualifier de vision à court terme. Souvent, ces listes commencent par les urgences, les demandes urgentes et importantes ou ce que nous percevons comme telles et nous ne nous rendons pas plus loin, c’est-à-dire vers le bas de notre liste où sont inscrits ces items moins urgents, pas vraiment moins importants, et où se cache l’oxygène dont nous aurions besoin.

RÉFÉRENCES

  1. MASLOW, Abraham H. (2008) Devenir le meilleur de soi-même. Besoins fondamentaux, motivation et personnalité. Eyrolles.
  2. SAINT-PAUL, Josiane (de) (2012) Choisir sa vie, c’est possible. Paris : InterÉditions.
  3. L’amour de soi est à distinguer de la «confiance en soi» qui, bien que liée à la première, est en rapport avec des capacités plus qu’avec des valeurs. (tiré de Wikipedia)
  4. Sur le sujet de l’équilibre, voir le livre Oser changer: mettre le cap sur ses rêves, chapitre 7 où nous proposons l’exercice Où va votre temps? ainsi que 10 règles de base pour bien utiliser votre temps.

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